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Blog «Ma lumière rouge»

Le gouvernement continue de détourner les fonds pour l'accompagnement social des travailleuses du sexe

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Où va l'argent?
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publié le 25 novembre 2020 à 17h24

Officiellement, bien que le travail du sexe soit un travail légal reconnu par l’URSSAF et le fisc, il est aussi considéré par l’ensemble de la classe politique et le gouvernement comme une «violence faite aux femmes». Cette fiction politique permet de bloquer toute reconnaissance de droits ou d’aides aux travailleurSEs du sexe au motif que seules les actions visant la «sortie de la prostitution» seraient légitimes. Nous avons vu comment pendant la crise sanitaire tout fonds d’urgence est refusé par le gouvernement, parce que #trèscompliqué à mettre en place, ou parce que toute aide relèverait du «proxénétisme», ou encore, de peur que l’argent versé soit immédiatement récupéré par des «proxénètes» alimentant ainsi des réseaux de traite des êtres humains qu’on prétend par ailleurs combattre, en criminalisant l’organisation du travail sexuel et de la migration.

Seules les 235 personnes bénéficiant d’un «parcours de sortie de la prostitution» auront vu une légère augmentation de leur allocation pendant le mois du deuxième confinement passant de 330euros à l’équivalent d’un RSA. C’est non seulement très peu, mais aussi sans aucun impact sur la crise sanitaire puisque ces personnes ne sont plus censées faire de clients, et donc non impactées par la perte de revenus liées au confinement, tandis que les 40,000 à 50,000 travailleurSEs du sexe estiméEs par l’OCRETH en France ne toucheront rien, à moins d’être déclaréEs en tant que travailleurSEs.

Cela prouve une fois de plus la justesse des revendications des travailleurSEs du sexe qui réclament la reconnaissance du travail sexuel et l’accès au droit du travail, puisqu’en cette période de crise, cela s’est révélé comme le seul moyen d’obtenir une indemnisation ou des protections sociales satisfaisantes.

Le mouvement des travailleurSEs du sexe a tenté d’obtenir des réponses et des aides de la part du gouvernement. Or, chaque ministère contacté expliquait que le sujet était sous la tutelle du cabinet de madame Schiappa, et qu’il était impossible d’agir sans l’approbation de son cabinet. Rappelons que depuis la dernière présidence Hollande, le sujet «prostitution» ne relève plus du ministère de la santé et des solidarités mais du secrétariat à l’égalité femmes-hommes. L’objectif était de sanctuariser «l’aide aux prostituées», or c’est tout l’inverse qui s’est produit, car le budget santé des femmes et réductions des risques est régulièrement amputé tandis que le budget pour l’accompagnement social des «personnes en situation de prostitution» via le «parcours de sortie» diminue chaque année faute d’un nombre conséquent de bénéficiaires.

Madame Vallaud-Belkacem avait promis 20 millions d’euros par an, mais dans les faits le budget maximal a été obtenu en 2017 avec 6 millions d’euros dont seulement 50,000€ sont allés directement aux «personnes en sortie de prostitution». Depuis 2018, il y a un léger mieux puisque sur les 5 millions d’euros de budget alloué, 600,000€ sont allés directement à l’aide financière à l’insertion sociale (AFIS). Le reste est redistribué aux associations prohibitionnistes, y compris celle d’obédience catholique, ou pour servir de rééquilibre budgétaire sur d’autres actions comme les violences conjugales.

La condition de «sortie de la prostitution» devient la nouvelle règle pour favoriser les associations prohibitionnistes au détriment des associations dites communautaires, dirigées par des travailleuses du sexe. Au final, il y a donc de moins en moins d’argent pour aider les travailleurSEs du sexe, que ce soit pour l’accompagnement santé, social, les cours de français, ou autres actions qui n’exigeraient pas un arrêt du travail du sexe. Lorsque les militants prohibitionnistes prétendent que la loi de 2016 permet de mieux «aider les personnes prostituées», qu’elle aurait ouvert des droits, ou des financements supplémentaires, sachez donc que c’est un mensonge de plus.