Menu
Libération
Blog «Ma lumière rouge»

Quid des travailleurs du sexe hommes ou LGBTIQ?

Blog Ma lumière rougedossier
La mainmise cis-hétéra sur le travail du sexe
Ce nouveau drapeau incluant le symbole du parapluie rouge est une création de Jason Domino, travailleur du sexe gay britannique
publié le 26 novembre 2020 à 13h47
(mis à jour le 26 novembre 2020 à 13h48)

Nous avons vu dans le billet précédent comment le secrétariat à l'égalité femmes-hommes bloquait toute possibilité d'aide aux travailleurSEs du sexe en exercice depuis que le sujet est sous la tutelle de ce ministère. Celui-ci a cependant aussi la charge des discriminations LGBT et de nombreux acteurs des mouvements LGBTIQ deviennent des interlocuteurs officiels. Pourtant, lorsque le mouvement LGBT avance des revendications pour les droits des travailleurSEs du sexe, il reçoit toujours une fin de non-recevoir au motif que c'est un sujet «droits des femmes».

A l’annonce du nouveau plan LGBT+ du gouvernement, les critiques ne se sont pas fait attendre concernant l’exclusion des personnes trans et travailleuses du sexe. Une réunion a été convoquée pour discuter avec des associations trans mais Acceptess-T a refusé d’y participer sans la présence du STRASS considérant que les deux tiers des personnes trans assassinées étaient travailleuses du sexe et que les meurtres transphobes devaient se comprendre aussi dans un contexte de criminalisation du travail sexuel.

Monsieur Grégory Prémon, le conseiller LGBT+ d’Elisabeth Moreno a été directement interpellé au sujet des travailleurSEs du sexe LGBT mais la même réponse a été faite: «il s’agit d’un sujet droits des femmes» dont il n’avait pas la compétence. Plusieurs travailleurSEs du sexe LGBT ont donc lancé une campagne de tweets rappelant qu’on pouvait être femme, TDS, et LGBT, et les raisons pour lesquelles leurs revendications ne pouvaient pas être rejetées au nom d’un féminisme les excluant.

A peine trois mois après sa nomination, le magazine Têtu annonce finalement la démission de Grégory Prémon dont on ne connaitra pas la cause. Il n'aura échappé à personne néanmoins que son départ est précipité puisque son remplacement n'a pas été prévu et que son poste reste pour l'instant vacant.

La plupart des travailleurSEs du sexe LGBTIQ+ ne veulent pas être accompagnées par les associations prohibitionnistes issues du christianisme social car elles sont souvent considérées comme discriminantes, et préfèrent être accompagnées par les associations de santé communautaire dont l'histoire est liée à la lutte contre le sida. Par exemple, le Mouvement du Nid, principale association partenaire du secrétariat à l'égalité femmes-hommes dont madame Schiappa avait doublé la subvention, avait été épinglé en janvier dernier pour des propos LGBTphobes sur son site web. Cela avait généré une condamnation des associations trans ainsi que de l'Inter-LGBT sans susciter aucune réaction gouvernementale.

La politique prohibitionniste défendue par le gouvernement ne profite même pas aux femmes trans qui sont surexposées aux violences, contaminations, et à l'exploitation, et ne bénéficient que rarement des «aides» annoncées à grand coup de com. Le député Raphael Gérard a rappelé en effet lors du dernier jour de commémoration des personnes trans assassinées (T-DOR) que seules 3 femmes trans en quatre ans avaient pu bénéficier de l'accompagnement social prévu par la loi de 2016.

Les travailleurSEs du sexe LGBT+ sont donc coincéEs, non reconnues comme des femmes à part entière, ou catégorisés comme hommes, tandis que l'exclusion prédomine au nom d'une idéologie qui définit le travail du sexe en tant que «violence faite aux femmes». Bien que les personnes LGBT+ soient surreprésentéEs dans l'industrie du sexe, on préfère les ignorer et faire comme si iels n'existaient pas. Le dernier Net Baromètre Gay 2018 indique par exemple que 11,5% des répondants au cours des douze derniers mois «ont eu recours au travail du sexe». On trouvera difficilement un chiffre équivalent auprès des femmes cisgenres hétérosexuelles. Mais comme les féministes mainstream anti-travail du sexe expliquent qu'elles sont «toutes prostituables», elles seules sont considérées légitimes, quand bien même elles ne feront jamais un client de leur vie, ni qu'elles ne recontreront jamais une travailleuse du sexe de leur vie.