Une semaine sur deux, mes journées se peuplent d’êtres très différents de ceux dont la biologie nous parle. Ma fille passe ses journées avec moi et elle ne partage pas seulement son temps, ses jeux, ses goûts ou ses petites manies. Elle m’ouvre magiquement tout son univers, habité par les personnages les plus disparates, dont les histoires ne sont pas toujours faciles à reconstruire. Il y a bien évidemment les plus célèbres : Ladybug, une adolescente qui se transforme en femme-coccinelle douée de pouvoirs inouïs (c’est sa préférée), Akko, une petite sorcière maladroite mais capable de percer les secrets de la magie cachée dans la forêt d’Arcturus (c’est ma préférée), ou les Octonauts, une bande de curieuses créatures marines qui brasse l’univers pour sauver les espèces les plus étranges. La plupart des autres, toutefois, semble jouir d’une existence beaucoup plus fragile, éphémère, impalpable. Comme tous les enfants de son âge - elle a 5 ans et demi - ma fille est une vraie animiste : le monde pour elle ne se compose pas d’objets, mais d’une iridescence infinie de sujets, d’âmes, de présences. Ainsi, elle peut reconnaître une forme de conscience dans le moindre morceau de carton qui ressemble vaguement à une silhouette humaine, mais elle a aussi la sensibilité de comprendre que ses poupées et ses peluches sont habitées chaque semaine par des personnalités différentes, dont il faut bien reconnaître à l’instant le nom, l’histoire, et le lien généalogique qui les reli
Chronique «Points de vie»
L’écho des chamanes
Article réservé aux abonnés
Chronique «Points de vie»dossier
par Emanuele Coccia, Philosophe, maître de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess)
publié le 27 novembre 2020 à 17h41
Dans la même rubrique
TRIBUNE