Attiré depuis l'enfance par les «mondes frontières», Mikaa Mered est devenu un des meilleurs spécialistes des antipodes polaires. Dans son ouvrage les Mondes polaires (PUF, 2019), il raconte les enjeux stratégiques et géopolitiques de ces régions, qui ne sont plus vierges que dans nos imaginaires. Il y développe surtout la notion de monde post-polaire, que nous allons connaître plus vite que prévu et qui nous concerne tous.
Le pôle Nord, ou l’Arctique, n’est plus un territoire vierge et sauvage comme l’Antarctique, il est déjà très anthropisé…
L’Arctique est anthropisé depuis 10 000 ans, habité aujourd’hui par 4 millions de personnes, et le réchauffement climatique rend la région toujours plus accessible, pour moins cher. Elle n’échappe donc pas aux effets de la mondialisation, en particulier l’augmentation des besoins en ressources naturelles. On y exploite de l’eau, du bois, du vivant, des hydrocarbures, des minerais et même du sable… C’est un carrefour de communication entre plusieurs océans et continents donc un lieu stratégique, militairement entre autres.
Selon vous, la fonte des glaces n’explique pas tout. La course aux ressources aurait-elle eu lieu de toute façon ?
Oui. On a commencé à exploiter les ressources de l'Arctique bien avant le réchauffement climatique : le bois et les ressources marines depuis 500 ans, les minerais depuis le XIXe siècle et les hydrocarbures depuis les années 20. Et cela n'a pas cessé de s'accroître par phases dans les années 60, puis dans les années 2000-2010. Mourmansk a été créé de toutes pièces en 1916 uniquement pour l'industrie, et c'est aujourd'hui la plus grande ville de la région avec 300 000 habitants. Depuis cinq siècles, l'Arctique a même été