Je me suis dit qu’au lieu d’essayer de creuser en vain l’air du temps depuis mon petit bureau, entre espoirs et couardises, j’allais tout simplement descendre dans les rues de ma ville et décrire ce que je voyais. Il y a cinq ans, pour les besoins d’un livre, j’avais suivi le merveilleux exemple de Georges Perec, place Saint-Sulpice, et m’étais assis à différentes terrasses de Barcelone pour décrire méthodiquement tous les personnages, les folies, les visions, et livrer de ma ville d’adoption un inventaire sinon exhaustif du moins amoureux. En répétant aujourd’hui l’opération, mardi 5 janvier (de manière mobile cette fois-ci, mes doigts étant déjà gelés avant de commencer), je sais qu’une déchirante faille va se creuser entre les deux tableaux.
Je descends malgré tout, le vent glacé me gifle les joues, réchauffées par un doux soleil, et par mon masque gris (voilà bien sa seule vertu). Je descends ma rue Tapioles, et passe, dans l’avenue Diagonal, devant une file d’une vingtaine de personnes. Emmitouflés dans des couvertures, ils font la queue devant le service d’aide alimentaire du quartier. Ils ont chaque jour entre midi et 14 heures pour recevoir leur étique plateau. La file s’achève ironiquement devant les photos du restaurant d’à côté, lequel offre hamburgers, plats composés et frites à l’infini.
Je passe l’avenue et plonge dans le Raval. C’est notre quartier de cœur à tous, maillage cosmopolite dans lequel résonnent toutes les langues et tous les mondes, et qui se rapproc