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Libération
Chronique «écritures»

Vœux pieux

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publié le 8 janvier 2021 à 18h11

J'avais, étudiant, un ami qui, à la question de savoir comment il allait, répondait invariablement par une note sur 20. Il allait toujours bien. C'était un éternel sujet de blagues entre nous. Même les jours de petite forme, c'est tout juste s'il descendait à 18. «Combien le moral ce matin ?» je lui demandais. «Aujourd'hui 19,5.» «Aujourd'hui 19,75.» «Aujourd'hui un petit 19 tranquille.» C'était un roc. Il ne faisait pas semblant. Il était sincère. C'était pour de vrai qu'il allait bien. Une fois où il s'était fait quitter, comme j'entendais sa voix déboussolée au bout du fil, comme je le sentais perdu, terrassé, je lui ai posé la question : «Combien là, maintenant, tout de suite ?» «Un petit 12», il a répondu doucement. C'est le pire bas que je lui aie connu.

Comment va le monde, là maintenant tout de suite, au seuil de cette année 2021 ? Un petit 12, dirait mon ami. Un tout petit 12. C’est le temps des vœux, des doigts croisés, de la méthode Coué. Que 2021 soit meilleure que 2020. On se le souhaite, on se l’écrit, on se le textote. Est-ce qu’on y croit ? L’étonnant avec cet ami était que son moral avait toujours pour effet de regonfler le nôtre. Ç’aurait pu être fatigant de côtoyer un roc abonné aux 19,75. Pourtant, c’était le contraire qui arrivait. Rien que de le voir, rien que de l’entendre un peu gêné de répondre une fois de plus qu’il était en forme, frôlant comme chaque matin depuis des années le 20 / 20, cela nous ravissait.

Ce qui me plaisa