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Libération
TRIBUNE

Arrêtons de parler de «populisme»

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Utiliser ce mot pour décrire les événements du Capitole n’a qu’un effet : donner aux idées de l’extrême droite l’apparence acceptable d’une protestation confusément démocratique.
par Jean-Yves Pranchère, professeur de théorie politique à l’Université libre de Bruxelles
publié le 13 janvier 2021 à 17h06

Il est trop tôt pour donner une analyse fiable des émeutes du 6 janvier à Washington. Nous ne savons pas si, en lançant ses fans à l’assaut du Capitole, Trump a obéi au désir de laisser une marque symbolique ou s’il a voulu empêcher Biden d’accéder à la présidence dans les temps impartis - voire s’il a tenté un coup dont l’échec aurait tenu, non au prétendu «amateurisme» d’une foule qui obéissait aux ordres de son chef (dont elle attendait qu’il décrète la loi martiale), mais au fait que ni Pence, ni le Parti républicain, ni l’armée n’étaient prêts à franchir le Rubicon.

Une chose est cependant certaine : la notion de «populisme» est ici inadéquate. Quoi qu'il en soit de la présence de traits populistes chez certains électeurs de Trump, on ne peut pas décrire comme «des populistes en réaction contre la morgue des élites» des groupes de militants armés, organisés grâce aux réseaux sociaux en troupes capables de passer à l'action, des membres exaltés de la mouvance Qanon et des suprémacistes blancs porteurs de tee-shirts avec pour slogans Camp Auschwitz ou 6MWNE (6 Millions Was Not Enough : «Hitler n'a pas tué assez de Juifs»).

Parler ici de populisme n'a qu'un effet : donner aux idées de l'extrême droite la plus dure l'apparence acceptable d'une protestation confusément démocratique. Cela revient à légitimer (comme cela éclate chez les éditorialistes de CNews)