Bertrand Badie est politiste, spécialiste des relations internationales et enseignant-chercheur associé au Ceri. Dans son dernier livre, Inter-socialités. Le monde n'est plus géopolitique, (CNRS Editions, 2020), il explique que les mouvements et les mobilisations populaires auquels nous assistons aujourd'hui sont plus souvent de nature sociologique que politique. Ils n'en sont que plus déstabilisants.
Comment analysez-vous les récents événements du Capitole, à Washington ?
Ils révèlent la vraie nature du trumpisme, que l’on ne voulait pas voir en face pendant les quatre années de mandature. On tenait Donald Trump pour un provocateur mais il n’était que le symptôme d’un phénomène sociologique profond. A force de trop personnaliser le jeu politique américain, de le réduire à cette figure fantasque, imprévisible à laquelle renvoyait le locataire de la Maison Blanche, on pensait pouvoir composer avec lui et on loupait l’essentiel. On ne s’est pas arrêté sur le sens réel de ce national populisme qu’il incarnait : l’homme s’est construit en miroir d’une partie de la société dont on n’a vu, le 6 janvier, que la frange la plus extrémiste. Mais il ne faut pas oublier que deux tiers des 74 millions d’électeurs qui ont voté pour lui considèrent que cette élection a été truquée. Ils ne représentent pas le vieux Parti républicain dans sa facture traditionnelle mais une société en éruption. Le Capitole est un des symboles les plus précieux de la démocratie américaine, elle-même très portée à valoriser ses institutions qui apparaissent soudain comme ill