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Interview

Alain Policar : «Le retour du mot race risque de faire oublier que nous appartenons tous à la même humanité»

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Le politiste s’interroge sur l’émergence du concept dans le débat public. S’il permet de mieux nommer une discrimination, il a aussi une place primordiale dans le rejet de l’universalisme.
Les attaques racistes contre Christiane Taubira avaient entraîné une manif en 2013 à Paris. (Photo Albert Facelly)
publié le 14 janvier 2021 à 17h16

Au nom d'un nouvel antiracisme, le concept de «race» fait un retour percutant dans le débat public. Il n'en finit pas de cliver, surtout à gauche, où il est employé avec plus ou moins d'insistance afin de pointer les discriminations que la République et ses principes universels ne sauraient voir (lire Libération du 25 septembre 2020). Agrégé de sciences sociales, docteur en science politique et chercheur associé au Centre de recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof), Alain Policar formule sa critique dans l'Inquiétante familiarité de la race (Le Bord de l'eau). Se revendiquant d'un «universalisme critique», le politiste tente de comprendre les causes et les effets du surgissement «d'un usage que l'on aurait pu croire définitivement oublié».

Que reprochez-vous au concept de «race» ?

Je m'interroge sur la signification de la familiarité de son usage, sur son retour alors que l'on pouvait penser qu'il n'était plus nécessaire. Mais je ne nie d'aucune façon que la race existe bien en tant que catégorie sociale, une «catégorie sociale d'exclusion et de meurtre», comme le disait Colette Guillaumin. On ne peut que constater l'existence de violences fondées sur la construction de ces différences à fondement racial. Mais avec ce retour, au nom de l'antiracisme politique, on prend le risque de réintroduire l'idée qu'il pourrait exister des différences fondamen