Le discours macroniste est un art… du détournement conceptuel et de l'ambiguïté rhétorique permanente. Dans l'Esprit du macronisme (Seuil), à paraître jeudi, Myriam Revault d'Allonnes, philosophe politique, ancienne élève et amie de Paul Ricœur, avec lequel Emmanuel Macron avait mis en scène une complicité intellectuelle pendant la campagne présidentielle de 2017, revient sur les notions clés utilisées par le président français. Et la manière dont le locataire de l'Elysée les récupère et les réinterprète. Si son propos se réfère à la philosophie des Lumières, celui-ci invoque avant tout une conception managériale de la société. Une vision où tout est calculable et anticipable, sauf une pandémie.
Emmanuel Macron entrera bientôt dans la dernière année de son mandat. Lui qui se voulait social-libéral et progressiste semble avoir durci sa matrice idéologique. Est-ce la preuve que le macronisme n’a pas de réelle cohérence doctrinale, comme vous l’écrivez ? Qu’il s’agirait plutôt d’une vision du monde dont il faut interroger le caractère «plastique» ?
Dans son cours au Collège de France sur le bio-pouvoir, Michel Foucault remarquait que la rationalité néolibérale n'était pas tant une «doctrine» ou une idéologie cohérente qu'une vision globale du monde, un style général de pensée et même un imaginaire qui s'énoncent de manière très ambiguë. Le discours macroniste se caractérise précisément par ce caractère plastique, multiforme. Le «en même temps» ou le «ni droite ni gauche» – censés incarner le dépassement des clivages traditionnels – répondent plutôt au souci d'adaptation permanente à un monde qui prône la flexibilité, non seulement dans les parcours individuels, au travail, mais aussi dans la sphère privée et la vie affective. Une forme de souplesse inscrite dans la mobilité incessante du monde tel qu'il nous est p