Comme un stock de papyrus au musée du Caire, les rouleaux de calque d'anciens projets s'alignent derrière Jean-Michel Wilmotte, à côté d'un beau portrait de Picasso. Pas un écran dans son bureau. Trente ans après la création d'AutoCad et des logiciels de CAO, Wilmotte dessine au feutre sur du calque. L'homme chargé de transformer la Halle Freyssinet en «plus grand incubateur de start-up au monde» est un bâtisseur de la vieille école. Un monument historique revu par l'école anglo-saxonne : celle des chefs d'entreprise chargés de relations publiques. Le patron fait le VRP, la structure est à la tâche.
Absorbés par la lumière soyeuse des écrans numériques, 130 architectes lévitent dans le silence des open spaces. Leurs songes de carton plume peuplent les étagères : bulbes de la future église russe du quai Branly, protège-dents en silicone du stade de Nice… «Mon métier, c'est du casting : la bonne équipe avec le bon projet», dit Wilmotte. Xavier Niel, patron de Free, dixième fortune de France, le nouveau propriétaire de la Halle Freyssinet, lui a offert de transformer l'ancien entrepôt en «vitrine internationale du numérique». La commande fait grincer des canines les juniors de l'architecture, surpris que l'extraordinaire nef, conçue en 1927 par Eugène Freyssinet, échappe au brainstorming collectif pour atterrir dans les bras d'un ténor. «C'était un projet pour lui, affirme Niel. Les grandes machines qui marchent, il sait faire.»
Le rés