C'est un ennemi du monumental et du béton que l'on rencontre dans son bureau-atelier de Shibuya, sud-ouest de Tokyo. Ici comme à Paris, Barcelone, Singapour et Londres, Toyo Ito a bâti des médiathèques, des logements, des magasins, des parcs, des hôpitaux avec le souci de signer une architecture qui «ressemble à l'air et au vent». Créateur prolifique depuis bientôt cinquante ans, il a reçu l'année dernière le prix Pritzker, la plus haute récompense de la profession. A 72 ans, cet homme affable qui vénère Gaudí est resté influencé par son enfance aux bords du lac Suwa, dans la province de Nagano. Derrière ses lunettes blanches, il défend son projet des Maisons pour tous, lieux de rassemblement et d'échange pour les populations déplacées après le tsunami de mars 2011. Trois ans après la catastrophe, il fustige le tout-béton colossal des opérations de reconstruction.
Après la catastrophe de mars 2011, vous vous demandiez si la société japonaise avait encore besoin d’architecte. Trois ans plus tard, avez-vous la réponse ?
Après ce qu'il venait de se passer, j'avais l'espoir que le Japon se métamorphoserait. Mais je suis déçu, la société japonaise n'a pas tellement changé. Par certains côtés, on peut même dire que c'est devenu plus difficile de faire de l'architecture. Les coûts de construction ont énormément augmenté dans le Tohoku [région au nord-est de l'île de Honshu, la plus touchée par le tsumani, ndlr] et les sociétés de construction et du BTP ont la mainmise sur tous ces travaux. Tous les budgets sont essentiellement consacrés à des chantiers de route, de pont, de digues et ne sont pas consacrés à des projets