«Ils n'ont pas cessé, sous l'uniforme, de penser !» Si, à partir de 1945 en Europe, on a glorifié, stigmatisé ou jugé artistes, écrivains, penseurs, selon qu'ils aient été résistants, collabos ou nazis, le rôle des architectes, et surtout celui de l'architecture, a été peu mis en cause pendant le conflit planétaire de 1939-45. C'est une sorte de réparation de guerre, sans céder à l'ambiance commémorative, qu'opère Jean-Louis Cohen dans l'exposition «Architecture en uniforme». Conçue en 2011 avec le Centre canadien d'architecture (CCA), elle est accueillie par la Cité de l'architecture parisienne tout l'été.
Les motivations du commissaire, prolixe architecte-historien né en 1949, spécialiste du mouvement moderne et du Corbusier, sont diverses. Cet enfant de l'après-guerre entend d'abord pallier «l'absence, dans la plupart des histoires de l'architecture, de ce qui reste l'affrontement le plus meurtrier et le plus ample géographiquement». De Guernica en 1937 à Hiroshima en 1945, les effets et efforts de guerre ont contaminé la planète, des Etats-Unis au Japon. Destructions, constructions, protections ont mobilisé l'architecture plus que toute autre discipline.
C'est dès le sous-titre de l'exposition, «Projeter et construire pour la Seconde Guerre mondiale», avec ces mots positifs de «projeter», «construire» et «pour», que l'on pressent le dessein de Cohen. Il entend démontrer que cette période sombre a été un moment décisif pour la modernisation théorique et pr