Un rire franc, une énergie calme, l'architecte urbaniste libanais Youssef Tohmé, 44 ans, est de passage à Paris. Avant de filer à Bordeaux, où il prépare l'Agora 2014. Mais il est aussi attendu à Beyrouth, où il est né en 1970, et a créé son agence en 2008. En dépit de la guerre. Il y a, en particulier, conçu l'université Saint-Joseph, avec l'Agence 109 Architectes. Un immense campus tourné vers l'échange. Un monolithe vertical de béton blanc, en mouvement, animé de failles, de vues. Son enveloppe évoque-t-elle une peau criblée, inspirée par les édifices meurtris de la ville ? Il n'y a aucune complaisance ni insistance avec ces stigmates. Tohmé est toujours «aux aguets», passeur entre deux cultures, occidentale ou orientale.
Comment vivez-vous entre Paris et Beyrouth ?
Je suis arrivé à Paris à 18 ans, j’y ai fait mes études, je suis diplômé de l’école d’architecture Paris-Villemin, où j’ai enseigné ensuite. A Paris, j’accumule la théorie. Après, à Beyrouth, j’essaye de mettre en forme tout ce que j’ai pensé. Puis je reviens à Paris pour réfléchir. En France, il y a une remise en question perpétuelle, c’est un luxe. Mais si on remet toujours tout en cause, on ne change rien. Au Liban, c’est l’inverse, on ne réfléchit pas, on avance et on voit après. L’espace public, c’est le lien entre l’intime et le collectif. A Beyrouth, on vit dans une tension permanente, l’intime ne peut s’endormir. (1).
Comment développe-t-on une agence dans le chaos de Beyrouth ?
Au Liban, on n’a pas accepté que l’espace public soit le lieu de rencontre entre les différences, les communautés religieus