Soixante-douze mille dalles de moquette usagée supportent la maison basse, pimpante et colorée de Lucy en Alabama (Etats-Unis), imaginée par les Américains de Rural Studio. A Amsterdam, les matériaux constitutifs du café Noorderparkbar ont été achetés en ligne. Et c'est de la tôle ondulée récupérée qui barde trois façades d'une habitation dans la banlieue chic de Sydney, réalisée par l'Australien Tony Hobba. Est-ce bien sérieux tout cela ? Est-ce de la bidouille individuelle de nouveaux Facteur Cheval économes du XXIe siècle ?
Non, ces bâtiments, sociaux ou luxueux, ont été conçus par des architectes. On y repère même un siège des plus officiels, celui du Conseil de l'Union européenne, dont la façade est composée de vieilles fenêtres. Ces édifices, logis et équipements sont à découvrir dans l'exposition «Matière grise. Matériaux, réemploi, architecture», présentée au Pavillon de l'Arsenal, à Paris. Avec 75 projets inventifs et surprenants, chinés sur toute la planète, le duo d'architectes Encore Heureux (Julien Choppin et Nicola Delon) prône «le réemploi des matériaux» qui, habituellement, sont destinés aux bennes à ordures.
Cannettes, bois flotté, pneus
«Réemployer, affirment-ils, revient à considérer que les matières premières ne sont plus sous nos pieds ou à l'autre bout du monde, mais dans nos villes, nos bâtiments, nos infrastructures. La matière présente n'est plus un déchet à évacuer le plus loin possible, mais un capital à valoriser et à préserver.» Ainsi ils m