La créativité de la fachosphère pour taper sur les migrants est sans limites. Dans un article paru le 23 septembre et intitulé «Applaudissements à l'accueil des migrants en gare de Berlin : contre rémunération ?» le site helvétique lesobservateurs.ch (qui «lutte contre la pensée unique et le conformisme idéologique»), laisse entendre que les Allemands et Autrichiens qui applaudissaient les migrants descendants des trains, ne seraient en fait que des figurants. Une nouvelle manipulation destinée à faire croire à la sincère «culture d'accueil » des Allemands et ayant pour but de doper encore l'arrivée de migrants. Car, explique le site, «grâce à Facebook, les images de requérants accueillis en héros ont été vues des millions de fois dans le monde arabe. Elles produiront les effets d'un aimant puissant pour d'autres requérants».

L'article, qui titre sur les migrants arrivés à Berlin, ne mentionne la capitale allemande à aucun autre moment, préférant se consacrer à Munich et aux angoisses d'un certain Karl Richter, membre du conseil municipal de la capitale bavaroise. L'article reprend une publication parue sur le site allemand bayern-depesche.de, qui lui-même reprend un communiqué dudit Richter, datant du 14 septembre, qui demande à la capitale bavaroise d'enquêter… après avoir eu «connaissance du fait qu'à Vienne, au moins une partie des prétendus "bénévoles" avaient été engagés et payés par une entreprise de travail temporaire». De Berlin à Munich, nous voilà donc à Vienne.

Karl Richter, qui n’est autre que le président de l’initiative populaire Stop aux étrangers Munich, et un éminent idéologue et membre du parti néonazi NPD, reproduit en guise de preuve (sic) ce mail envoyé par l’agence d’intérim autrichienne Easystaff.

«Nous attendons encore de nombreux requérants à la gare principale et à la gare de l'ouest. Nous avons donc besoin d'un coup de main sur place pour la distribution de produits alimentaires et surtout pour transmettre aux voyageurs des informations sur la correspondance et les horaires.

Je cherche encore du monde pour aujourd’hui 5.09.2015 de 15 à 24 h.

Comme d'habitude, la ville classe la demande Richter (sa huitième sur les migrants depuis le début du mois de septembre) «en cours de traitement». Le conseiller municipal n'a donc aucune preuve que les Allemands venus applaudir les réfugiés soient des figurants rémunérés. Mais qu'en est-il des Viennois ?

Le 12 septembre, le site autrichien unzensuriert.at, qui propose de l'information «non censurée» est le premier à raconter cette histoire, qui se propage dans les réseaux de l'extrême droite autrichienne jusqu'à être répétée à la télévision par Harald Vilimsky, député européen et membre du parti d'extrême droite FPÖ. Dès le 13 septembre, l'agence d'intérim Easystaff réagit sur Facebook :

«Easysatff assiste l'ÖBB [les chemins de fer fédéraux autrichiens, ndlr] depuis plus d'un an à l'aide de personnel d'information dans les gares autrichiennes. Nous sommes fiers que l'effectif de nos collègues soit actuellement renforcé en raison de l'afflux de réfugiés. Non pas en tant que veneurs en aide bénévoles mais en tant qu'agents professionnels spécialisés dans l'accueil des voyageurs en contrat avec l'ÖBB. Dans cette situation difficile, nous voyons cela comme un compliment pour notre équipe et comme une grande preuve de confiance.»

Du personnel d'accueil donc. Il suffit d'ailleurs de relire l'annonce, même traduite par la fachosphère, pour se rendre compte que ces employés sont là «surtout pour transmettre aux voyageurs des informations sur la correspondance et les horaires».

Quant aux hordes de figurants rémunérés, le site d'information autrichien NZZ.at rapporte qu'au cours de cette mission, «huit personnes ont été employées à la gare de l'Ouest et six pour la gare centrale dans les situations les plus dures» par Easystaff. Un travail qui n'a lui non plus rien d'exceptionnel : les gares autrichiennes font appel à l'agence d'intérim à chaque fois que l'afflux dans les gares est important, comme ce fut le cas cette année lors de l'Eurovision. Encore une fois, la fachosphère a déraillé.