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Libération
DESINTOX

Pécresse ressort le «programme fiscal caché» de la gauche

Alerte grosse intox : la candidate LR dénonce un plan caché de Claude Bartolone, soit une hausse d'impôts régionaux de 220 millions d'euros par an.
Valérie Pécresse, lors de son dernier grand raout de campagne, jeudi, à Rueil-Malmaison. ACCORD INTERNET (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 4 décembre 2015 à 12h34

INTOX. C'est désormais un classique. Après NKM, qui avait dénoncé lors de la dernière campagne municipale à Paris le plan de hausse d'impôts caché de son adversaire Anne Hidalgo, l'équipe de Valérie Pécresse rejoue la même carte, dans la dernière ligne droite de la campagne régionale. A en croire Jerôme Chartier, responsable du projet de Valérie Pécresse, Benoît Hamon aurait été contraint de révéler, mercredi, lors du débat opposant les candidats franciliens, la «face cachée» du programme de Bartolone. Et c'est pas beau à voir : 220 millions d'euros de hausse d'impôts. Tremblez, contribuables franciliens !

Voilà l'extrait du débat incriminé par Jerôme Chartier. A partir de 1 h 12 mn 35 s.

Un argument que matraquent les soutiens de Pécresse depuis, et que la candidate LR a repris hier lors de son grand meeting de Rueil-Malmaison: «depuis hier, les masques sont tombés. Benoît Hamon, que Claude Bartolone avait envoyé comme doublure au débat télévisé qu'il a fui, a vendu la mèche. Claude Bartolone a écrit dans sa profession de foi : « zéro augmentation de la fiscalité régionale pour les contribuables et les entreprises ». Nous savons aujourd'hui que c'est un mensonge. Benoît Hamon l'a dit hier et Monsieur Bartolone l'a confirmé ce matin. S'il est élu, c'est 220 millions d'euros d'impôts supplémentaires qui vont s'abattre sur les Franciliens. Des Franciliens qui n'en peuvent plus!»

DÉSINTOX. Le premier souci, c'est que cette révélation... sent un peu le faisan. D'abord parce que les 220 millions d'euros de Chartier ont été évoqués tout à fait publiquement il y a un mois et demi déjà, lors de la présentation du programme de Claude Bartolone. Le candidat PS avait ainsi évoqué une augmentation du budget de la région de 1,32 milliard d'euros sur la durée de la mandature... soit 220 millions par an. On en trouve mention dans cet article du Figaro par exemple, ou cet autre de la Tribune. Comme on peut le lire dans ces articles datés du 23 octobre, les recettes avaient été détaillées.

Pour atteindre 1,3 milliard d'euros sur six ans, Claude Bartolone avait expliqué compter sur 320 millions d'euros (sur la durée de la mandature) via une hausse du produit de la redevance pour la création de bureaux (RCB). Le candidat PS disait aussi attendre 400 millions de recettes supplémentaires au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Les régions, qui en percevaient jusqu'à présent 25%, devraient en toucher 50% à partir de 2017, selon l'engagement du gouvernement. Enfin, l'écotaxe sur les poids lourds de passage dans la région devrait rapporter au moins 80 millions d'euros par an à la région, selon Bartolone. C'est exactement ce que Benoît Hamon a répété mercredi.

Bref, la «face cachée» du programme du PS, comme le dit Chartier, était bien mal cachée.

Augmentation de recettes ne veut pas dire augmentation d'impôts

Par ailleurs, ce montant de 220 millions d'euros correspond, comme l'avait expliqué le candidat PS, à la hausse du budget de la région. Ce qui n'est pas la même chose qu'une augmentation des impôts des Franciliens, comme le suggère Chartier.

Primo, aucune de ces trois sources de recettes ne concerne les particuliers. Deuxio, toutes ne correspondent pas à une augmentation de la fiscalité. Si l'écotaxe s'apparente bien à la création d'une taxe nouvelle (qui touchera les transporteurs en transit), il n'en va pas de même des recettes escomptées via la RCB (redevance sur la création de bureaux). L'équipe socialiste mise en effet sur progression du produit de la redevance pour la création de bureaux... sur laquelle la région n'a pas la main. Comme annoncé en avril par Manuel Valls, la RCB en Ile-de-France est en train d'être réformée dans le cadre du projet de loi de finances rectificatif. Difficile de parler de hausse d'impôts. Et ça l'est encore plus concernant la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Les 400 millions attendus par Claude Bartolone ne sont que la traduction de l'engagement pris par la ministre de la Décentralisation Marylise Lebranchu d'une affectation aux régions de 50% de cette cotisation à partir de 2017, contre 25% auparavant. Il ne s'agit donc pas d'une hausse d'impôts. Ni d'une décision régionale.

Et Valérie Pécresse en profitera aussi en cas de victoire

C'est l'aspect le plus cocasse de cet argument de fin de campagne : ce plan que dénonce si violemment Pécresse est aussi celui de... Valérie Pécresse. Deux des sources de recettes sur lesquelles compte Bartolone pour boucler ses 220 millions d'euros annuels (l'augmentation des recettes de la CVAE et de la RCB) profiteront aux finances de la région de la même manière. Quel que soit le vainqueur. Quant à la dernière source de recettes (la mise en place d'une écotaxe), il s'agit bien d'un engagement de Claude Bartolone. Mais la candidate LR aurait du mal à le critiquer vu que cette promesse figure aussi dans son propre programme, où il est question de dégager 100 millions d'euros par an via la mise en place d'une taxe poids lourds pour les véhicules en transit et qui ne s’arrêtent pas dans la région.