INTOX. Voilà le Smic à nouveau sur le tapis. Trop élevé pour le Medef, trop élevé pour LR, aussi. Dimanche 24 janvier, Eric Woerth expliquait ainsi sur BFM : «Le niveau du coût du Smic chargé, c'est-à-dire l'ensemble, est aujourd'hui sûrement beaucoup trop chargé par rapport à d'autres pays par rapport à la productivité.» Et poursuit : «Il ne faut pas toucher au net, mais il faut totalement gommer les charges patronales et les charges salariales qui restent au niveau du Smic, et il en reste encore beaucoup.» (A partir de 9 minutes 30.)
DESINTOX. Le Smic français trop élevé par rapport aux salaires minimum des pays voisins ? Un récent désintox à propos d'une déclaration de Pierre Gattaz avait nuancé ce constat, montrant que le Smic brut, pour se situer parmi les salaires minimum les plus élevés, n'était pas pour autant LE plus élevé. Il s'élevait, selon Eurostat, à 1 458 euros au 1er janvier 2015. Moins qu'en Irlande (1 462 euros), qu'en Allemagne (1 473 euros), qu'en Belgique et qu'aux Pays-Bas (1 502 euros) et enfin qu'au Luxembourg, loin devant avec 1 923 euros par mois. Eurostat note toutefois que trois de ces pays ne calculent pas le salaire minimum sur une base mensuelle mais sur un taux horaire : la France, l'Allemagne et l'Irlande. Avec 9,61 euros de l'heure au 1er janvier 2015 (9,67 euros depuis le 1er janvier 2016), le salaire minimum français est le plus élevé des trois (8,50 euros en Allemagne et 8,65 euros en Irlande). C'est donc le nombre d'heures travaillées par semaine qui explique la différence au niveau mensuel avec ces deux autres pays : 40 heures en Allemagne, 39 heures en Irlande et 35 heures en France.
Mais ce qui est sûr en revanche, c'est que le Smic français est… un des moins chargés d'Europe, voire de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), loin de ce qu'affirme Eric Woerth. Comme on peut le voir sur le tableau ci-dessous, qui rassemble les dernières données disponibles, remontant à 2013, sur les taux de cotisations patronales au niveau du Smic.
Et encore, le chiffre de 2013 pour la France ne prend pas en compte les évolutions les plus récentes. En 2015, le CICE à 6% et le pacte de responsabilité qui exonère les entreprises de toutes les cotisations Urssaf ont fait baisser les taux de cotisations patronales pour le Smic à… 8,46%. Ce qui devrait placer désormais la France quasiment au même niveau que l'Irlande et au moins dix points derrière ses voisins européens. Mathieu Plane, économiste à l'OFCE, explique en effet à Désintox que la France est le seul pays à avoir rabaissé les charges de manière aussi franche ces deux dernières années. Si les données de la France doivent donc être mises à jour, ce n'est pas forcément le cas pour les autres pays.
La gauche ne fait que poursuivre et accentuer une politique de réduction de cotisations ciblées sur le Smic, qui se traduit par une spécificité de la France : le niveau des cotisations y est plus élevé que la moyenne de l'OCDE au niveau du salaire médian… mais bien plus faible que la moyenne au niveau du salaire minimum. «Un exemple notable est celui de la France, où les employeurs de salariés touchant le salaire médian paient les cotisations les plus élevées de la zone OCDE, mais une réduction notable pour les salariés percevant une rémunération proche du salaire minimum abaisse ces coûts de main-d'œuvre non salariaux à un niveau bien inférieur à la moyenne de l'OCDE pour les travailleurs au salaire minimum», note ainsi l'organisation dans son rapport Perspectives de l'emploi 2015.
Résultat : on voit mal comment Eric Woerth compte s'y prendre pour baisser le coût du Smic sans toucher au revenu net… puisque les cotisations, contrairement à ce qu'il affirme, ne pèsent désormais presque plus rien.