INTOX. Sans surprise, on a trouvé Eric Ciotti dans le cortège de la manif des policiers ce mercredi matin : le député Les Républicains des Alpes-Maritimes occupe avec constance le terrain de la défense de l'ordre républicain (tendance sécuritaire). Et sans surprise, on l'a entendu dire son soutien aux forces de l'ordre sur RTL le matin même. Toujours sans surprise (hélas), on l'a écouté débiter ses statistiques trompeuses sur le nombre de policiers blessés. «L'année dernière, a-t-il déclaré, 18 000 policiers et gendarmes ont été blessés en mission ou en service. Ça veut dire près de 50 par jour. Quelle profession peut prétendre subir de telles violences, être victime d'un tel déchaînement de haine ?»
DÉSINTOX. 18 000 policiers et gendarmes blessés en 2015 ? La statistique est empruntée au ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, qui l'avait évoquée lors de la polémique occasionnée par les affiches de la CGT dénonçant les violences policières. Il n'existe pas de chiffres officiels pour l'année 2015. En 2014, l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) avait recensé, suivant des méthodologies différentes, 12 450 policiers blessés et 1 769 gendarmes. Mais ce qui est sûr, c'est qu'assimiler ces 18 000 policiers blessés à des violences et un déchaînement de haine, c'est absurde. Voilà pourquoi : Eric Ciotti précise bien qu'il s'agit de blessures en service ou en mission. Or la nuance est de taille.
Voilà les définitions que donne l'ONDRP à propos des blessures ou décès des policiers. La blessure (ou décès) «en mission» se définit comme «survenu(e) en opération de police ou en service commandé, au cours desquels le fonctionnaire met en œuvre les prérogatives attachées à sa fonction». La blessure (ou décès) «en service» se définit comme survenu(e) «pendant les heures de service de diverses manières : par arme lors d'une mauvaise manipulation de son arme de service, en circulation lorsque le policier est victime d'un accident matériel de la circulation alors qu'il est en service, durant les entraînements de sport, sur le trajet domicile travail, ou bien encore de manière fortuite».
Suivant Eric Ciotti, on peut raisonnablement attribuer les blessures en mission à la violence dont sont victimes les agents des forces de l’ordre. Mais il est quelque peu abusif d’attribuer à des violences subies ou à un déchaînement de haine un accident de voiture sur le chemin du commissariat ou une cheville tordue lors d’un entraînement sportif.
Il convient donc d'opérer la distinction, ce que fait l'ONDRP. Dans son bilan 2015 donnant les statistiques pour 2014, l'observatoire recensait par exemple 12 450 policiers blessés dont 5 834 en mission (dont 491 avec arme) et 6 616 en service. Et sur ces blessés en service, on trouvait 1 652 blessures lors d'exercices sportifs, 64 policiers s'étant blessés en manipulant leur propre arme ou 641 blessures lors d'accident de circulation sur le trajet domicile travail. Le reste étant des blessures dites «fortuites».
Eric Ciotti connaît bien ces sujets, puisqu'il avait publié un rapport parlementaire (truffé de chiffres) sur la légitime défense des policiers. Ce qui ne l'avait pas empêché de commettre cette même confusion il y a un an.