INTOX. Ah ces grévistes de la fonction publique et autres cheminots qui ne vont pas travailler et se débrouillent quand même pour être payés ! Le mythe est tenace. Le porte-parole des Républicains Guillaume Peltier ne se prive pas de le propager. Le voilà qui demande dans ses «Douze propositions pour reconstruire la démocratie sociale» «d'interdire le paiement des jours de grève dans la fonction publique, dans les entreprises publiques». C'est sa proposition numéro 8.
DÉSINTOX. Mais Guillaume Peltier semble oublier une chose essentielle : la loi prévoit déjà de ne pas payer les fonctionnaires quand ils font grève. Et ce, depuis 1961. La loi de finance rectificative dispose que «l'absence de service fait, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue». En cas de grève, et donc de service non effectué, une retenue sur le traitement est opérée. Les articles L2512-1 à L2512-5 du code du travail rappellent ainsi qu'une retenue sur salaire s'applique aux agents de la fonction publique et des entreprises chargées de la gestion d'un service public. «L'absence de service fait par suite de cessation concertée du travail entraîne pour chaque journée une retenue du traitement ou du salaire», indique l'article L2512-5. La version du code du travail en vigueur en 1973 le précisait déjà, grâce aux articles L521-2 à L521-6 sur la grève dans les services publics, et s'appliquait également aux «personnels des entreprises, des organismes et des établissements publics ou privés lorsque ces entreprises, organismes et établissements sont chargés de la gestion d'un service public». Les salariés des entreprises publiques subissent donc, eux aussi, des retenues sur salaires. Au moins depuis 1973.
Le montant de la retenue varie toutefois selon les catégories de fonctionnaires. Pour les agents publics de l'Etat, une circulaire du 5 août 2003 rappelle la règle du «trentième indivisible». Que les agents se mettent en grève une heure ou une journée entière, la retenue sur le salaire sera la même : une journée entière (un trentième de leur rémunération).
Pour la fonction publique territoriale, la jurisprudence a établi la règle de la proportionnalité. Soit 1/30e pour une journée de grève, 1/60e pour une demi-journée et 1/151,67e pour une heure de grève. Même chose dans la fonction publique hospitalière : le principe de proportionnalité s'applique. Une directive de 1996 détaillait déjà ces retenues. Ainsi, pour une journée de grève, la retenue sera d'1/30e du traitement mensuel brut, et pour une heure de grève elle sera de 1/234e.
Concernant le secteur public des transports, la loi de 2007 sur le service garanti avait par ailleurs rappelé dans son article 10 que «la rémunération d'un salarié participant à une grève, incluant le salaire et ses compléments directs et indirects à l'exclusion des suppléments pour charges de famille, est réduite en fonction de la durée non travaillée en raison de la participation à cette grève». A l'époque, déjà, nombre de commentateurs avaient ironisé sur le fait qu'il était inutile de fixer dans la loi quelque chose qui y figurait déjà. Ainsi, le site vie-publique.fr, dans l'article qu'il consacre à la loi sur le service garanti, note que «le texte réaffirme enfin que les jours de grève ne peuvent donner lieu à paiement». Une loi Peltier sur la non-rémunération des jours de grève permettrait donc de réaffirmer ce qui est déjà réaffirmé dans la loi.