Menu
Libération
Désintox

Copé en roue libre sur les congés des cheminots

Jean-François Copé au Conseil national des Républicains, le 13 février. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 26 juin 2016 à 17h11

INTOX

On ne soulignera jamais assez la place que tient le cheminot dans l'imaginaire libéral : jean-foutre payé à rien faire (ou si peu), et surtout occupé à laisser les voyageurs en rade pour faire la grève. Et l'on ne s'étonnera jamais assez des approximations qui nourrissent cette légende. Jean-François Copé vient d'en donner une édifiante illustration. Ulcéré par les débordements en marge des cortèges contre la loi travail, le candidat à la primaire LR s'en est pris la semaine dernière aux manifestants devant les caméras de la chaîne d'information i24news : «Pour eux, ce qui compte, c'est la déstabilisation de l'Etat et la protection de leur petit intérêt personnel. On le voit avec les cheminots de la SNCF, dont il va falloir qu'on dise les différences énormes de traitement dont ils bénéficient. […] Je pense par exemple au fait qu'ils ont 130 jours de congés payés… Ce sont les mêmes qui manifestent violemment.»

DéSINTOX

On peut d’ores et déjà établir l’équation suivante : sur l’échelle de la démago anti-cheminots, un volume de Copé vaut deux volumes de (Jean-Pierre) Pernaut. Le célèbre présentateur du JT de TF1 avait, lui, affirmé en mars que les cheminots bénéficiaient de 60 jours de congés. La réaction indignée des agents SNCF, notamment via une maousse pétition en ligne, l’avait contraint à s’excuser et se corriger. Mais avec 60 jours, il passe aujourd’hui pour un petit joueur face à Copé qui en compte plus du double.

Les cheminots bénéficient en fait de 26 jours de congés payés, plus 2 jours de «fractionnement». Ces jours de congés supplémentaires, inscrits dans le code du travail, sont accordés aux salariés qui, du fait du règlement de leur entreprise, ne peuvent déposer la totalité de leurs congés payés en une seule fois. A ces 28 jours de congés, qui ne constituent aucun privilège par rapport aux autres salariés français, s'ajoutent 10 jours de RTT. En plus de quoi certains agents, et notamment les conducteurs, disposent de jours supplémentaires (dans un maximum de 12) appelés «repos compensatoire». Ces jours supplémentaires ont été accordés en raison des contraintes de travail spécifiques à certains métiers de la SNCF. L'entreprise doit assurer une continuité de service. D'où des tranches horaires décalées, avec des «extrêmes matinées» qui débutent vers 3-4 heures, ou des «extrêmes soirées» qui se terminent vers 2-3 heures. Sans parler des horaires de nuit ou de week-end. Ces 12 jours ne sont accordés qu'au personnel roulant et aux sédentaires affectés aux postes opérationnels. Au total, si l'on additionne ces RTT aux jours de congés payés, on arrive donc à 38, voire 50 jours. Pour grimper à 60, Jean-Pierre Pernaut avait ajouté les jours fériés, dont on ne peut pas dire qu'ils soient le privilège des cheminots. Pour arriver à 130, on imagine que Copé ajoute les week-ends. Une autre exclusivité cheminote bien connue, justifiant sans aucun doute de parler de «différences énormes de traitement».