Depuis le vote des Britanniques sur le Brexit du 24 juin, les internautes et les médias mettent largement en avant la fracture générationnelle du scrutin. En effet, les jeunes ont davantage voté pour le maintien du Royaume-Uni dans l'Union Européenne, à l'inverse de leurs aînés, qui ont préféré sa sortie. C'est finalement celle-ci qui l'a emporté, à 52% environ.
Sur Twitter, certains se sont empressés à souligner l'incongruité de ce résultat : ceux qui devront vivre le plus longtemps avec la conséquence du référendum sont ceux qui s'y opposent.
#Brexit montre le prob démocratique du vieillissement pop: les jeunes ne voulaient pas sortir ms devront vivre+longtemps ac cette décision
— Porchet Léonore (@LeonorePorchet) June 24, 2016
Effarante pyramide des àges. Les plus anciens léguent un drôle d'héritage aux + jeunes qui ont voté contre #brexit pic.twitter.com/qH8scCs1Vd
— Grégory Leclerc (@GregLeclerc) June 24, 2016
Ce constat se nuance toutefois largement quand on prend en compte la participation. Car il semblerait que ce ne soit pas en faveur du remain (rester dans l'Union européenne) que le coeur des jeunes a penché, mais pour l'abstention.
Si l'on en croit le tweet de Sky News, la participation des jeunes n'a été que de 36%. La très grande majorité des jeunes s'est donc abstenue. La participation augmente au fil des années, pour atteindre 83% chez les plus de 65 ans.
% who got through our final #EUref poll turnout filter by age group:
— Sky Data (@SkyData) June 25, 2016
18-24: 36%
25-34: 58%
35-44: 72%
45-54: 75%
55-64: 81%
65+: 83%
Ces données sur l'abstention sont reprises dans un graphique très partagé sur les réseaux sociaux, qui mêle un sondage de sorties des urnes avec les données d'abstention de Sky News, arrivant à la conclusion que 36% des 25-34 ans ont voté pour le remain, 22% pour le leave, alors que 42% se sont abstenus…
Ne jamais oublier de compter l'abstention dans les résultats. Exemple pour le #Brexit et le vote des jeunes. pic.twitter.com/nkVJQmTOol
— Olivier Drot (@OlivDrot) June 28, 2016
Ls 18-34 ans tellement brimés par le #Brexit ont un taux record d'abstention. N'accusez pas les "vieux" allez voter. pic.twitter.com/7xnlKTcbbu
— Nancy Redmond ♥️🎨🖌 ✒️📖 🎸🎶 (@heliotrope4) June 28, 2016
Pour autant, on ne peut pas accorder trop de crédit à ces données, basées sur des extrapolations : Sky News indique que les chiffres sur l'abstention en fonction de l'âge sont le résultat d'un sondage basé sur les intentions de vote des électeurs et leurs déclarations sur le vote d'une précédente élection (les élections générales de 2015). Mais le tweet expliquant la méthode a été jugé assez peu clair par la presse anglaise…
Based on 9+/10 certainty to vote, usually/always votes, voted/ineligible at GE2015
— Sky Data (@SkyData) June 25, 2016
Malgré la demande de nombreux internautes et de journalistes, dont Barbara Speeds de Newstateman, la chaîne de télévision n'a pas clarifié son tweet ni sa méthode.
Si Jérôme Fourquet, directeur du département «opinion et stratégies» d'entreprise de l'institut de sondages Ifop, estime que mêler deux sondages est risqué, il note toutefois que les derniers sondages soulignent de fortes tendances. «Le taux d'abstention important chez les jeunes, on le retrouve aussi en France ou en Europe. Ces chiffres me paraissent plutôt valides», explique-t-il.
L'idée d'une participation progressant avec l'âge, si elle ne peut donc être chiffrée autrement que de manière très estimative, est globalement confirmée par ce graphique du Financial Times. Le journal montre que le taux de participation au référendum progresse à mesure qu'augmente l'âge médian des habitants des villes.
De là à dire qu'une mobilisation plus forte des jeunes aurait permis de renverser le résultat, il n'y a qu'un pas. A faire avec quelques précautions, toutefois. Car selon Jerôme Fourquet, cette fracture générationnelle est aussi traversée par d'autres fractures observées lors du vote, en termes de niveau social ou de niveau d'étude : «Ceux qui votent le moins sont les jeunes les moins diplômés, qui viennent de zones excentrées et qui, s'ils avaient voté, auraient plutôt penché en faveur du Brexit. A contrario dans les villes universitaires, comme à Oxford ou Cambridge, où se trouvent les jeunes les plus diplômés, la participation est forte (voir graphique ci-dessus) et le vote penche nettement en faveur du remain (70% pour Oxford, 73% pour Cambridge).»