Menu
Libération
DÉSINTOX

Sarkozy confond hébergement des demandeurs d'asile et rétention administrative

L'ancien président de la République veut changer les règles du droit d'asile en France. Il faudrait déjà qu'il connaisse la règlementation actuelle.

Nicolas Sarkozy, le 19 septembre à Franconville. (Photo Martin Bureau. AFP)
Publié le 28/10/2016 à 13h48

INTOX. En plus des intox qu'il répète à longueur de journée, sur la baisse du nombre de policiers et gendarmes depuis 2012, les 5% de délinquants qui commettent 50% des actes de délinquance, ses cinq non-lieux, ou encore sur les demandeurs d'asile, Nicolas Sarkozy en a sorti une inédite chez Jean-Jacques Bourdin jeudi matin. Il mélange ainsi les centres de rétention administrative où sont détenus les étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, et les droits du demandeur d'asile, notamment l'hébergement. Voici ce qu'il dit sur les demandes d'asile :

 «Il faut pratiquement un an pour avoir une réponse […] Quelle est la durée de rétention administrative pour examiner la situation d'un étranger demandeur ? Quarante-cinq jours. Nous avons proposé au gouvernement que la durée de rétention administrative soit équivalente à la durée d'instruction du dossier. Sinon vous comprenez bien, si on garde cette personne quarante-cinq jours dans un centre mais qu'il faut attendre un an pour avoir la réponse, il est dans la nature et, si vous me permettez l'expression, on ne peut pas le récupérer. Le gouvernement s'est opposé à l'augmentation du délai.»

DÉSINTOX. Pour Nicolas Sarkozy, un demandeur d'asile est donc placé dans un centre de rétention administrative le temps que sa demande soit étudiée. L'erreur est tellement grossière qu'il a fallu réécouter la séquence plusieurs fois pour être sûr de bien comprendre. L'hébergement est un droit des demandeurs d'asile. Ils peuvent donc être accueillis dans des Centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) le temps que leur demande soit étudiée. Selon l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), une première demande prend en moyenne, en 2015, 262 jours pour être étudiée. Si les demandeurs d'asile décident de faire appel auprès de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), ils continuent d'être hébergés dans le Cada qui les accueille. Fin octobre 2015, le gouvernement a aussi annoncé la mise en place de Centres d'accueil et d'orientation (CAO) pour abriter temporairement les migrants de Calais. Il existe environ 30 000 places en Cada, et 12 000 places doivent être créées en CAO.

Mais les centres de rétention administrative n’ont rien à voir. Nicolas Sarkozy confond l’hébergement dans les Cada, qui dure le temps de l’examen de la procédure d’asile, et la rétention administrative pour les étrangers faisant l’objet d’un renvoi forcé. Les personnes pouvant être détenues dans un centre de rétention sont les étrangers non-européens faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) de moins d’un an, d’une interdiction (administrative) de retour sur le territoire français (IRTF), d’une décision de reconduite à la frontière de moins de trois ans, d’une décision d’expulsion, d’une interdiction judiciaire du territoire français ou d’une mesure d’éloignement prise dans le cadre de l’UE. Les demandeurs d’asile dont la procédure est en cours ne font pas partie de ces catégories.

Le préfet prend d'abord la décision de placer en rétention pour cinq jours un étranger en attente d'un éloignement forcé du territoire, mais le juge de la liberté et de la décision peut ensuite prolonger cette détention jusqu'à 45 jours.  Avec moins de 1 800 places, les centres de rétention administrative ont vu passer près de 48 000 personnes en 2015. La personne placée en rétention peut déposer des recours contre cette décision, et peut notamment demander l'asile. Dans ce cas, la demande est transmise sans délai à l'Ofpra, qui a 96 heures seulement pour statuer. La durée d'examen de cette demande est donc inférieure à la durée de rétention de la personne, comme le demande Nicolas Sarkozy. Mais un demandeur d'asile en procédure normale n'est pas placé en rétention administrative.