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DESINTOX

Brice Hortefeux décale sous Hollande la hausse de la pauvreté sous Sarkozy

Brice Hortefeux avance le chiffre d'un million de pauvres en plus sous le quinquennat en cours. Hélas, il confond avec le précédent.
Brice Hortefeux lors d'un meeting de Nicolas Sarkozy, le 8 septembre à Vendôme (Loir-et-Cher). (Photo Guillaume Souvant. AFP)
publié le 21 novembre 2016 à 17h53

INTOX. Invité à réagir à la débacle de Nicolas Sarkozy au premier tour de la primaire de la droite, Brice Hortefeux, fidèle parmi les fidèles, a tenu à souligner le volontarisme de la campagne de l'ex-président, en égratignant au passage le bilan du quinquennat actuel : «Nicolas Sarkozy a souhaité mettre fin à ce quinquennat, caractérisé par un désastre social, le nombre de chômeurs, un million de pauvres en plus…»

DESINTOX. On ne voudrait pas tirer sur l'ambulance et ajouter à Brice Hortefeux (qui ne doit pas en manquer) des raisons d'être amer… Mais il n'aurait pas dû citer ce chiffre, qui est davantage imputable au quinquennat de Sarkozy qu'à celui de Hollande. Début septembre, l'Insee a publié un rapport sur les niveaux de vie en 2014 (dernière année disponible). L'institut statistique y comptabilise la pauvreté en France en se fiant aux deux indicateurs usuels : le nombre de personnes vivant sous le seuil de 50% du revenu médian, et le nombre de personne vivant sous le seuil de 60%.

La lecture de cette statistique sur la continuité est rendue compliquée par des changements de méthodologie (en 2010 et 2012). Néanmoins, qu'on considère la pauvreté selon le seuil de 50% ou de 60% du revenu médian, le nombre de pauvres augmente nettement de 2008 à 2012 (surtout entre 2008 et 2010), et stagne entre 2012 et 2014 (baisse en 2013, légère hausse en 2014).

Ainsi, si on regarde l'évolution sur sept ans – entre 2008 et 2014 – du nombre de personnes vivant sous le seuil de 60% du revenu médian, on retrouve peu ou prou (si on ne se soucie pas des variations méthodologiques) le million de pauvres supplémentaires évoqués par Brice Hortefeux. On est passé de 7,84 millions à 8,76 millions. Mais, hélas pour Hortefeux, la hausse est entièrement dûe à la période entre 2008 et 2012, cette dernière année marquant le pic sur la période (8,82 millions).

Il convient de rappeler que ces données sont relatives : le nombre de pauvres est calculé en fonction d'un niveau de vie médian qui lui même évolue… y compris parfois à la baisse. En 2009, 2010 et 2012, le niveau de vie médian a baissé (ligne verte sur ce graphique). En 2013, il a stagné.

La conséquence de cette baisse du niveau de vie médian est la baisse du seuil en-deçà duquel une personne est considérée comme pauvre. En 2008, il fallait vivre avec moins de 1018 euros par mois (60% du revenu médian d'alors) pour être considéré comme pauvre, en 2014, il fallait vivre avec moins de 1008 euros (60% du médian de 2014) pour être comptabilisé comme tel. Résultat : comme le fait remarquer l'observatoire des inégalités, des personnes qui étaient considérées comme pauvres en 2011 n'étaient par exemple plus comptabilisées en 2012 avec pourtant le même revenu.

Mais si ces limites statistiques (qui marchent aussi dans l'autre sens : quand le niveau de vie médian augmente, des personnes sont comptabilisées comme pauvres sans avoir connu pour autant de baisse de revenu) rendent plus compliquée encore l'appréciation du nombres de pauvres, elles ne remettent pas en cause le constat général que l'on peut faire, en dépit de ce que dit Brice Hortefeux : c'est bien sous Nicolas Sarkozy, entre 2008 et 2012 (et même entre 2008 et 2010) que le nombre de pauvres en France s'est le plus accru. Bien plus que depuis 2012 (où il a plutôt baissé). Et c'est logique, la crise ayant frappé le plus durement lors des premières années du quinquennat de Nicolas Sarkozy.