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Libération
La primaire du Hollande bashing

Pouvoir d’achat : les statistiques revues et réorientées par Arnaud Montebourg

publié le 13 décembre 2016 à 18h46

INTOX

Arnaud Montebourg est un récidiviste de la bidouille statistique. A chaque fois ou presque qu'il est interrogé sur le bilan du quinquennat Hollande, le candidat à la primaire de la gauche dénonce le choix de l'austérité, symbolisé selon lui par un chiffre qu'il répète à l'envi : 1 650 euros, comme la perte de pouvoir d'achat imputable à la politique de François Hollande. Voilà ce qu'il déclarait la semaine dernière sur France Inter : «Je voudrais dire quel était le problème pour les gens et pourquoi il y a une telle colère pour les gens qui approuvent à 91 %, je crois, le départ de Hollande. Il y a eu un appauvrissement des classes moyennes et populaires. J'avais fait calculer qu'en trois ans d'austérité fiscale, c'est-à-dire de prélèvements supplémentaires, on a prélevé 75 milliards en plus sur l'économie, c'est 1 650 euros en moyenne par foyer. C'est l'austérité fiscale.»

Désintox

Ces 1 650 euros cités par Arnaud Montebourg ne proviennent pas de calculs qu’il a fait faire - comme il le rapporte immodestement aujourd’hui - mais d’une note de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) datée de décembre 2014 que Montebourg a coutume, depuis deux ans, de citer à sa manière. Laquelle manière n’est pas vraiment honnête. La lecture de l’étude de l’OFCE montre bien que le pouvoir d’achat des Français, plombé à la fois par l’augmentation des prélèvements et la baisse des ressources, a dévissé de 1 631 euros en moyenne sur trois ans… mais entre 2011, 2012 et 2013. Or, hasard ou étourderie chronique, à chaque fois qu’Arnaud Montebourg cite ces chiffres, il oublie de préciser que les trois années portent aussi - et en grande partie - sur le quinquennat de Nicolas Sarkozy, et seulement sur la première année de mandat de François Hollande.

L'OFCE nous a transmis ses chiffres les plus récents concernant l'évolution du revenu disponible brut des ménages, année après année, jusqu'à 2016. On y observe (voir infographie ci-dessus) que la hausse des prélèvements a donc eu une influence très forte sur le pouvoir d'achat en 2011, mais surtout en 2012 et en 2013. Sur ces trois années, si on ajoute l'effet de l'érosion des ressources des ménages, on arrive même à une baisse moyenne du revenu disponible brut de 1 728 euros (les chiffres ont été actualisés). On voit aussi que les prélèvements ont continué de ramener à la baisse le revenu disponible des Français en 2014, 2015 et en 2016, mais dans une bien moindre mesure. Par ailleurs, en tenant compte de la progression des ressources (travail, capital, prestations sociales en nature), le revenu disponible brut moyen des ménages s'est stabilisé en 2014 (- 29 euros) et a augmenté en 2015 et en 2016 (423 euros puis 432 euros).

Ces derniers chiffres ne remettent nullement en cause la réalité du choc fiscal subi par les Français entre 2011 et 2013, ni le fait que François Hollande y a contribué en début de mandat. Mais quitte à utiliser, comme le fait Arnaud Montebourg, le revenu disponible brut des Français pour faire le bilan du quinquennat Hollande, autant regarder l’indicateur sur la durée… et pas seulement jusqu’à 2013.