INTOX. Emmanuel Macron, candidat autoproclamé du renouveau, veut imposer un critère de probité aux candidats de son mouvement aux élections. C'est tout à son honneur. En conférence de presse jeudi matin, il a expliqué que «les désignations aux élections se feront sur cinq critères». Parmi lesquels, le troisème : «La probité. Nos candidats doivent démontrer une intégrité absolue dans leurs valeurs et leurs actions, c'est une condition indispensable pour réconcilier les Français avec la vie politique. Aucun de nos candidats ne devra donc avoir de casier judiciaire ni avoir subi de peines d'inéligibilité. Il s'agit là encore d'un thème qu'aucune force politique n'a retenu.» Ainsi donc, le candidat serait le seul à avoir eu cette idée novatrice ? Absolument pas.
DÉSINTOX. Dans le cadre de la primaire à gauche, cette mesure fait partie du programme de Vincent Peillon. Il écrit ainsi : «Je demanderai comme condition d'éligibilité à toutes les élections l'absence de condamnation inscrite au bulletin numéro 2 du casier judiciaire.» Interrogé par Mediapart sur la question, Arnaud Montebourg a lui aussi soutenu cette idée, affirmant : «Ça fait partie de mon ADN, alors j'ai l'impression finalement que ça va de soi.» Et s'il pointe le fait qu'une mesure similaire a déjà été retoquée, il reconnaît tout de même que ses adversaires ont raison de proposer la mesure : «Je trouve que c'est une bonne idée. Je ne savais pas que Vincent Peillon ou Emmanuel Macron proposaient ça, je pense que c'est une bonne idée.»
Quant à l'inéligibilité, l'ancien ministre du Redressement productif s'était aussi prononcé sur la question sur France Info le 11 octobre : «Je suis favorable à l'inéligibilité à vie pour tous ceux qui auront été condamnés.»
Si le reste des candidats ne se sont pas prononcés, deux d'entre eux ont répondu aux Décodeurs du Monde sur la question. Jean-Luc Bennahmias a ainsi expliqué : «Je veux l'inéligibilité à vie pour les condamnations touchant la corruption», et François De Rugy a répondu à propos du casier judiciaire vierge : «J'y suis favorable, j'ai d'ailleurs, à l'Assemblée, voté l'amendement qui était proposé en ce sens.»
Car contrairement à ce que laisse entendre Emmanuel Macron, une force politique a déjà proposé un amendement en ce sens, et deux propositions de loi. Le Parti socialiste. Le combat, mené par la députée PS de l'Hérault Fanny Dombre-Coste et le sénateur PS de l'Hérault Henri Cabanel, a été lancé de front à l'Assemblée nationale et au Sénat. Henri Cabanel a donc déposé l'amendement à la Chambre haute, supprimé par la Commission des lois du Sénat. Mais la députée a repris le flambeau à l'Assemblée et redéposé l'amendement, finalement voté en dernière lecture. Sauf qu'entre-temps, les parlementaires se sont aperçus que l'amendement était inconstitutionnel. Il a en effet été retoqué par le Conseil constitutionnel le 8 décembre. Les «sages» ne se sont pas prononcés sur le fond de l'amendement mais l'ont jugé contraire à la Constitution car une loi organique est nécessaire pour toucher à l'inéligibilité des parlementaires.
Deux propositions de loi (une ordinaire pour les candidats à une élection locale et une organique pour les candidats à une élection présidentielle, législative ou sénatoriale) ont donc été déposées à l'Assemblée le 7 décembre. Portées par la députée Dombre-Coste, le premier signataire est Bruno Le Roux. Les candidats à la primaire Benoît Hamon et François De Rugy figurent aussi parmi les signataires de ces deux propositions, qui seront débattues en séance publique le 1er février. En résumé, dans les candidats à la primaire de la gauche : Peillon, Montebourg, Hamon, De Rugy et Bennahmias se sont déjà prononcés sur cette mesure. De l'autre côté du spectre politique, le candidat UPR François Asselineau et Nicolas Dupont-Aignan de Debout La France, réclament eux aussi un casier judiciaire vierge pour les candidats. Emmanuel Macron est pour le renouveau. Mais il n'est pas le seul, loin s'en faut.
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