Intox
L'émission les Quatre Vérités, diffusée le matin sur France 2, n'est pas toujours bien nommée. Invité ce jeudi, le secrétaire général du Front national, Nicolas Bay, s'est complètement lâché sur ses thèmes habituels, l'immigration et le terrorisme (voir vidéo, à partir de 1h11). Et notamment concernant l'attentat kamikaze de Manchester, qui a fait 22 morts et une soixantaine de blessés lundi.
La journaliste, Caroline Roux : «Vous parlez de maîtrise des flux migratoires. Dans le cas précisément de Manchester, ce sont des Anglais, ils sont nés en Grande Bretagne. Ce n'est pas une question de frontières
Nicolas Bay : En l'occurrence celui qui a commis… le kamikaze, il vient de Libye, il est passé par les filières classiques.
Caroline Roux : Il est né à Manchester !
Nicolas Bay : Oui, il est passé quand même par les filières classiques de la… comment dire, de l'immigration clandestine en l'occurrence, parce qu'il s'est fait passer pour un réfugié en 2011 pour venir en Grande-Bretagne. Donc on voit qu'on a exactement le même scénario qu'on avait eu avec les attentats du Bataclan, avec des terroristes qui étaient passés dans les flux d'immigration clandestine, par les îles grecques en l'occurrence. Donc évidemment qu'il y a un lien entre cette immigration massive totalement anarchique, totalement incontrôlée, que nous subissons.»
"Il y a un lien évident entre le terrorisme islamiste et cette immigration totalement incontrôlée."#Les4Vérités #Manchester pic.twitter.com/Ey2xWVtOdC
— Nicolas Bay (@NicolasBay_) May 25, 2017
Manifestement dépassée par un tel numéro de dialogue de sourds, Caroline Roux embraye sur un autre sujet. Nicolas Bay a donc pu déblatérer absolument n'importe quoi sur Salman Abedi en l'espace de quelques secondes.
Désintox
Nicolas Bay a-t-il des informations qui n'ont pas encore fuité dans la presse ? Le fait est que le récit qu'il fait ne correspond à rien de ce qu'on a pu lire dans les portraits de l'auteur de l'attentat de Manchester (celui dressé par Libération, par exemple). Il n'est écrit nulle part que Salman Abedi, né à Manchester le 31 décembre 1994, soit passé par «les filières classiques de l'immigration clandestine» ni ne se soit «fait passer pour un réfugié en 2011». Et pour cause, il est né à Manchester, de parents libyens arrivés au Royaume-Uni un an avant sa naissance. Et si plusieurs sources indiquent qu'il a effectivement effectué des déplacements dans différents pays (en Libye – et peut-être en Syrie, selon le ministre français de l'Intérieur, Gérard Collomb) ces dernières années, rien n'indique que ce citoyen britannique ait dû emprunter une filière illégale pour rejoindre… son propre pays, comme l'affirme Nicolas Bay.
Le Financial Times révèle par exemple jeudi qu'Abedi avait rallié la Grande-Bretagne quatre jours avant l'attentat, depuis Istanbul. Mais le terroriste, à en croire le quotidien, a pris l'avion, passant par l'aéroport de Dusseldorf, en Allemagne. Ce qui ne correspond pas vraiment aux «filières classiques de l'immigration clandestine» que décrit Nicolas Bay. Nous n'avons trouvé aucune mention d'une entrée de Salman Abedi sur le territoire britannique en 2011 sous statut de réfugié.
On ne peut même pas plaider la confusion pour le secrétaire du FN, puisque l'auteur du précédent attentat sur le sol anglais, à Londres le 22 mars, n'était pas non plus entré illégalement au Royaume-Uni. Comme Abedi, celui qui se faisait appeler Khalid Masood était Britannique, né Adrian Russell Elms, le 25 décembre 1964, dans le Kent.
Mais peu importe, visiblement, pour Nicolas Bay, dont l'unique objectif semble être d'attribuer, au prix d'intox grossière, les attaques qui ont endeuillé le Royaume-Uni à l'immigration clandestine.