Question posée par Pascal le 14 octobre.
Le parquet de Brest a classé vendredi l'affaire Richard Ferrand au terme de l'enquête préliminaire. Un répit bienvenu pour le président du groupe LREM à l'Assemblée nationale et proche d'Emmanuel Macron. Si proche que, comme souvent, dès lors que le parquet – qui dépend directement du ministère de la Justice et donc du pouvoir exécutif – prend une décision politique, se pose la question de son indépendance.
Le procureur de Brest qui a classé l’affaire, Jean-Philippe Récappé, a bien été nommé à son poste par Emmanuel Macron, via le décret du 6 juillet 2017, publié au journal officiel le 8 juillet. Ce qui a donc valu nombre de commentaires soupçonneux.
❗ Sinon, le procureur qui vient de classer l'affaire #Ferrand a été nommé à ce poste cet été par Emmanuel #Macron #Indépendance pic.twitter.com/daUtfYtTSc
— le Jeune Républicain (@leJRepublicain) October 13, 2017
Ce qui est sûr, c'est que son prédécesseur n'a pas été limogé pour excès de zèle après avoir ouvert l'enquête préliminaire visant Richard Ferrand : le procureur Eric Mathais était déjà en partance lorsque l'affaire a éclaté. Il s'était vu notifier sa nomination au parquet de Dijon par le décret du 21 avril 2017, publié au JO le 22 avril, bien avant les révélations du Canard enchaîné, en date du 24 mai. L'enquête, elle, a été ouverte le 1er juin 2017. Voilà pour le calendrier.
Avis consultatif
Précisons également que les procureurs de la République, en France, s'ils sont nommés par le président, le sont sur proposition du ministre de la Justice, en l'occurrence Nicole Belloubet, et après consultation du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). L'avis du CSM n'est théoriquement que consultatif et peut donc être ignoré par l'exécutif mais Nicolas Sarkozy s'était engagé, en 2012, avant la fin de son mandat de président, à le respecter, et par conséquent à proposer un nouveau candidat en cas d'avis défavorable. Quant à savoir si le nouvel exécutif a suivi l'initiative sarkozyste, le CSM, contacté par Libération, n'a pas encore donné suite.
Pour rappel, Richard Ferrand était soupçonné d’avoir permis à sa compagne de s’enrichir sans le moindre risque, en faisant louer un bien immobilier par les Mutuelles de Bretagne, dont il était alors directeur général. Pour justifier le classement de l’affaire, le parquet précisé son raisonnement juridique dans un communiqué.
Le parquet estime d'abord que les soupçons d'emplois fictifs ne sont pas établis. «L'enquête a établi le caractère réel des prestations et activités de Richard Ferrand et de Sandrine Doucen, sa compagne, au profit des Mutuelles» de Bretagne, écrit le procureur.
S'agissant de la location des locaux eux-mêmes, le communiqué souligne que les Mutuelles de Bretagne «ont considéré que cette offre [de Ferrand et de sa compagne] répondait en tous points à leurs exigences et était conforme à leur intérêt» et que «le montant du loyer […] ne dépassait pas le prix du marché». En conséquence, «les infractions d'abus de confiance et d'escroquerie ne sont pas constituées, faute d'un préjudice avéré».
«Point de départ de la prescription»
Restent les soupçons de prise illégale d'intérêts. Richard Ferrand ayant quitté ses fonctions de directeur général des Mutuelles de Bretagne le 18 juin 2012, le parquet estime que «la prescription, qui était alors de trois ans, était donc acquise le 19 juin 2015. En outre, les investigations menées n'ont pas mis au jour d'éléments de dissimulation avérée permettant de reporter le point de départ de la prescription.» C'est pourquoi l'affaire a été classée sans suite.
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