Cour d’assises de Coutances (Manche), le 21 novembre. Un homme est condamné à deux ans de prison avec sursis pour agression sexuelle sur une adolescente d’une quinzaine d’années au moment des faits (en 2015), mais acquitté du viol dont l’accusait une autre fille du même âge.
Ce verdict, dont le parquet a fait appel, a beaucoup fait réagir. Car l'accusé, né au Bangladesh, a été défendu ainsi, selon un article de la Manche libre : «L'avocate de la défense a plaidé les difficultés d'interprétation qui, selon elle, sont le fil conducteur de ces affaires. Difficulté d'interprétation de la part de son client qui "n'avait pas les codes culturels" pour prendre conscience qu'il imposait une relation par crainte ou par surprise. Difficulté d'interprétation de la part de la victime, qui a pu prendre un regard comme une menace et donc une contrainte. Difficulté d'interprétation des enquêteurs, qui n'ont pas su mesurer le désarroi de la victime.»
L'évocation de «codes culturels», apparemment pour disculper un homme d'origine étrangère accusé de viol, a indigné l'extrême droite du Web et une partie de la classe politique (Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan, Stéphane Ravier, etc.). Mais selon plusieurs acteurs du dossier contactés par CheckNews, l'acquittement ne peut pas se résumer à ces deux mots. L'avocate de la défense conteste ainsi l'article de la Manche libre, écrivant sur Twitter qu'elle n'est «pas certaine que le journaliste ait toutes les clés d'interprétation de la plaidoirie». Auprès de CheckNews, elle précise : «Le terme de "code culturel", je ne l'ai employé qu'une fois. Mon client n'a pas été acquitté parce qu'il était étranger, ou parce qu'il n'avait pas les "codes". Dire cela est un résumé trop succinct de ma plaidoirie de quarante-cinq minutes.» Même son de cloche pour l'avocat de la plaignante : «L'élément culturel ou le fait que l'accusé soit étranger n'étaient pas du tout centraux dans ce procès.» Autrement dit, il est normal qu'une avocate parle des origines de son client - «cela permet de caractériser sa personnalité», souligne la juriste - mais ce n'est pas ce qui a déterminé la décision des six jurés.
Dans Ouest-France, le président de la cour d'assises de la Manche abonde : «La cour n'a pas pris en compte un seul instant, dans sa réflexion, cette notion de code culturel, ni lors de l'audience ni lors de la délibération.» A noter que dans sa couverture du procès, le journal local ne pipait mot de l'origine de l'accusé et n'évoquait pas non plus ses «codes culturels». Selon l'auteur de l'article, ces deux termes «n'ont été prononcés qu'une fois durant la plaidoirie» de la défense. Par ailleurs, nulle part il n'est question, dans l'arrêt de la cour, de l'origine ou des «codes culturels» de l'accusé concernant les faits reprochés de viol. Pour expliquer l'acquittement en première instance, il est dit : «Ni la procédure ni les débats n'auront permis de déterminer si les quelques expressions modérées de réserve de la jeune fille auront pu […] être perçues comme un refus de la relation sexuelle, ou seulement l'expression d'une réticence initiale par rapport à une première expérience de relation sexuelle ou à l'égard d'une expérience sexuelle avec un inconnu.» L'accusé est sorti libre du tribunal, après deux ans et huit mois de détention préventive pour les faits qui lui étaient reprochés.