Chronique «Médiatiques»

Le nouveau pouvoir américain n’a pas besoin de planifier les sujets de terreur pour anesthésier et sidérer les oppositions : il lui suffit de lâcher la bride à toutes ses composantes, simultanément, pour saturer le champ médiatique.

Pour débusquer les signes du nazisme cachés derrière des perversités nouvelles, il va falloir désormais déployer vigilance, souplesse et jeu de jambes.

Musk, Zuckerberg ou encore Bezos… Le mec de la tech, reformaté façon Trump, ce n’est pas John Wayne face aux Indiens ou Rocky : s’il montre ses pectoraux c’est pour ne pas avoir à s’en servir. «C’est un rescapé de l’enfer woke».

Dérapage ou pas dérapage ? En s’empressant de refaire le match à la mort du «Menhir», les chaînes d’info ont oublié une bonne partie de l’interview problématique.

Le nouveau Premier ministre à l’épreuve des questions humanistes de Nagui et de Karine Baste après le passage du cyclone Chido, à Mayotte. Ou l’art d’esquiver tout en esquissant.

Avec sa rupture avec LFI, ce qui fait avancer le Premier secrétaire du PS, à nouveau célébré sur BFM, est le pouvoir.

A suivre nombre de médias français, il y aurait donc deux Marine Le Pen ? La responsable politique de l’opposition et la délinquante présumée menacée d’inéligibilité ? Avec, entre les deux statuts, une étanchéité maximale.

Après quarante-huit jours et quelque 50 témoignages du procès des viols, comment les professionnels de la chronique judiciaire expriment-ils le hors norme ? Les citations s’imposent, guillemets s’ouvrent et se referment à toute allure.

D’un pays à l’autre, tout se passe comme si, à l’égard des puissants condamnés pour corruption ou tous autres délits financiers, l’indulgence était la normalité.

Dans l’ensemble, peu de médias internationaux ont souligné la contradiction présente dans la victoire de Donald Trump, à la fois démocratique et menaçante pour la démocratie.

L’obsession sécuritaire et identitaire était partout sur les chaînes d’info ces derniers jours, exceptée sur France Info, qui s’est intéressée à la vente, à un fonds américain, de la filiale de Sanofi, qui produit le Doliprane.

Le temps accordé à l’antenne par BFM à la mort d’un militaire israélien et à celle d’un civil beyrouthin n’est pas le même. Un «deux poids deux mesures» qui alimente une obscène disproportion entre les hommages médiatiques.

La persistance du ministre de l’Economie à ne pas répondre aux questions des journalistes au lendemain de son recadrage par Michel Barnier est l’image cruelle de celui qui prend conscience de la laisse au bout de laquelle le tient Le Pen.

Le vertige qu’inspire l’affaire Mazan rend son examen indispensable. Et les chaînes privées s’y emploient : elles disculpent rapidement le patriarcat pour incriminer Adam et Eve, entre autres.

De Bardella à Hanouna, une seule stratégie : ne perds pas de temps à démontrer, à argumenter, fini tout ça. Martèle. Faut que ça rentre. Faut que ça saigne. Et on pilonne toutes les ripostes.

Dans le scénario bien rodé d’une soirée spéciale législatives sur BFM TV, où une poignée de politiques font face à des Français castés pour leur profil sociopsychologique, surgissent parfois de réels moments d’échanges.

La chaîne a commémoré les 80 ans du Débarquement en Normandie en choisissant notamment de raconter l’histoire du combattant Gwenn-Aël Bolloré. Ni plus ni moins que l’oncle du grand patron.

Après la découverte de mains rouges peintes sur le mur des Justes à Paris le 14 mai, les interprétations sur les radios et télévisions se sont multipliées pour dénoncer un acte antisémite.

Qui a dit que la question calédonienne était compliquée ? Sur les plateaux télé de BFM ou de CNews, c’est simple : l’habitant est blanc, propriétaire, civilisé, et s’organise en milices pour aider la police.

Pour Elisabeth Badinter et Anne Sinclair, les étudiants ont le droit constitutionnel de critiquer le gouvernement israélien, pourvu qu’ils restent dans les limites de la bienséance.

Si la série revendique d’alerter sur l’imminence d’une guerre civile, les six épisodes, survitaminés à l’actu, traitent aussi des médias. Avec de grands absents : le gang de pyromanes identitaires qui sévit sur les chaînes du milliardaire.

Playmobil du cirque Bolloré, on pourrait remercier le président de la commission d’enquête parlementaire, qui a montré au grand jour la cannibalisation d’un dispositif démocratique par un dispositif de divertissement médiatique.

Dans le marché aux angoisses, le même soir, CNews se concentre sur la menace islamiste et LCI sur la possibilité d’une «Troisième Guerre mondiale», dans un simulacre de débat qui laisse le spectateur dans un état d’injonction paradoxale.

Dans la même semaine, le dirigeant du groupe CMA-CGM et nouveau propriétaire de BFM TV et de RMC montre deux visages à ses nouvelles troupes : le bon et le méchant.

Deux micro-emballements aux forts relents racistes sur les chaînes Bolloré et un feuilleton complotiste chez Léa Salamé sur France 2. Au nom de l’audience tout est bon, la logique du privé contamine le service public.

Un éleveur de cochons de la Coordination rurale, qui doit être jugé pour harcèlement sur les personnes du maire de son village du Tarn-et-Garonne et d’un journaliste local, était invité de C8. Mais silence radio sur ces faits.

La distinction faite par Thomas Legrand mardi 20 février sur France Inter a tendu une perche irrésistible à la présumée «fake journaliste» bolloréenne Sonia Mabrouk.

La décision du Conseil d’Etat oblige désormais la chaîne zemmouriste à équilibrer politiquement chroniqueurs, invités et animateurs. Ne vaudrait-il pas mieux veiller au respect de la diversité des points de vue sur un même fait d’actualité

Face à Sonia Devillers sur France Inter l’actrice Judith Godrèche n’a plus les mots après avoir cité le nom du cinéaste Jacques Doillon, comme l’un de ces agresseurs. Sept secondes de silence à la radio après trente-six ans d’enfouissement.

Après l’aspersion de «la Joconde» par des militants de Riposte alimentaire, l’ex-ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, tente de dispenser un cours d’histoire de l’art aux chroniqueurs de «TPMP». Extraits.

Juste avant l’affaire du Printemps des poètes, Sylvain Tesson était l’invité de l’équipage Salamé-Demorand pour promouvoir son dernier livre, nous promenant de clochers en calvaires et de falaises en menhirs…

Le 16 janvier, deux heures avant la conférence de presse d’Emmanuel Macron, les utérus tricolores sont encore paisibles, ne se doutant pas encore de l’ordre de mobilisation générale qui se mijote à l’Elysée et sur les plateaux.

Au soir de l’annonce du nouveau gouvernement, Praud se réjouit : exit la ministre de la Culture, celle qui osa entamer une «procédure disciplinaire» contre Depardieu, monstre sacré des plateaux bolloréens en guerre contre l’hydre «woke».

Dans les médias audiovisuels publics et privés, ça canarde de tous les côtés. Les attaques non confraternelles émanent désormais du champ journalistique, et plus spécifiquement de l’artillerie Bolloré.

Les médias Bolloré s’évertuent à dénoncer comme une manipulation la vidéo de «Complément d’enquête», pourtant authentifiée par un huissier.

Au lendemain de la diffusion du «Complément d’enquête» consacré au présentateur, l’équipe de «TPMP» décrète l’échec cinglant de la chaîne public malgré un taux d’audience record. Reste le yacht, mais tout va bien, «tout le monde ça».

Dès qu’un journaliste du service public commet une approximation sur un fait divers dramatique tel que celui de Crépol, les télé bollo-zemmourisées qui s’affranchissent de toute règle déontologique ajustent leurs tirs coordonnés.

A l’occasion de la sortie de son livre «Sheakespeare-Bilal, une rencontre», l’auteur de bande dessinée livre sa parole. Mais le plus sidérant n’est pas tant son discours que l’épaisseur et l’intensité du silence qui l’accueille.

L’accusation d’antisémitisme est grave et ne peut être laissée en suspension sans qu’elle ne soit jamais démontrée par des responsables politiques ou par des journalistes.

Dans les médias, le conflit Israël-Hamas entraîne son lot de mini-scandales. Mensonge contre mensonge, blague contre blague, sacrilège contre sacrilège. A qui accorder les miettes de lucidité dont nous disposons ?