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Libération
Tout coûte cher

A cause du dérèglement climatique, les compagnies d’assurances pourraient faire s’envoler leurs primes

Alors que les cotisations d’assurances habitation ont déjà augmenté de 33% en dix ans, elles pourraient encore tripler d’ici à 2050. La multiplication des événements climatiques extrêmes redoutée par le Giec fait craindre ce scénario.
Une habitation détruite par les flammes à Belin-Béliet, en Gironde, le 11 août. (Stéphane Mahé/Reuters)
publié le 31 août 2022 à 16h31

Etre contraint de se priver d’assurance habitation à cause de prix outrageusement élevés. Et si ce genre de situation, rarissime aujourd’hui, devenait courante en 2050 ? Le scénario n’est pas exclu. La multiplication des événements climatiques extrêmes sur laquelle le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a alerté à de multiples reprises laisse craindre un alourdissement sévère des charges d’assurance.

Ces derniers mois nous ont offert un aperçu de ce qui nous attend. Les tempêtes de février dans le Nord ou en Corse en août, les incendies en Gironde et à travers tout le pays cet été, les inondations, les chutes de grêle… Selon Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs, «1,2 million de sinistres ont été déclarés en sept mois, causant 4,3 milliards d’euros de dommages», a-t-il chiffré au JDD. A titre comparatif, sur les cinq dernières années, la somme indemnisée par les assureurs en moyenne sur douze mois est de 3,5 milliards d’euros. Un seuil déjà largement dépassé.

Pouvoir d’achat pénalisé

Franck Le Vallois met en garde : les dégâts causés par les phénomènes naturels pourraient atteindre 143 milliards d’euros d’ici à 2050. Le corollaire de ce constat risque de directement pénaliser le pouvoir d’achat de tous les Français : les primes d’assurances devraient d’exploser.

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui surveille l’activité des assureurs et des banques, a tenté de mesurer ce risque sur trois décennies. Dans un exercice de simulation réalisé en tenant compte du pire scénario du Giec et publié en mai 2021, l’Autorité faisait état d’un probable doublement voire triplement de ces coûts d’ici à 2050. Concrètement, cela se traduirait pour l’assuré par une augmentation annuelle de la prime comprise entre 2,8 et 3,7%, soit à peine quelques euros supplémentaires. Mais ceux-ci cumulés année après année, cela risque de rendre la facture particulièrement onéreuse à terme.

Des hausses de coûts plus importantes en Occitanie et Paca

Pour les compagnies d’assurances, ces hausses de prix ont vocation à établir la profitabilité du secteur de l’habitation, généralement moins viable pour elles que pour les secteurs de l’automobile ou de la santé. Ces dix dernières années en témoignent. Selon le comparateur assurland.com, entre 2010 et aujourd’hui, les primes d’assurances habitation ont augmenté de 33% contre 16% pour les assurances auto.

Il est à noter que ces hausses ont été plus importantes dans certaines régions de France particulièrement exposées aux aléas météorologiques. L’Occitanie et la région Paca, en proie à la sécheresse et aux épisodes cévenols, affichent les augmentations de prix les plus importantes avec respectivement +40,6% et +33,3% sur dix ans. Selon assurland, certains assureurs commenceraient à ne plus vouloir couvrir ces zones ou y proposeraient des contrats à un tarif prohibitif. En revanche, si l’on s’en tient à ce critère, c’est en Bretagne qu’il vaut mieux avoir élu domicile : le nombre de sinistres déclarés et le coût de l’assurance habitation y sont en effet les plus bas de France puisqu’ils n’ont pris que +18,75%.

Une mesure envisagée par les assureurs privés pour faire face aux dégâts causés par les évènements climatiques risque d’alourdir encore les prix de leurs services. Elle consisterait en une augmentation de la taxe qui sert à financer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles pour combler son déficit. Actuellement, ce prélèvement est fixé à 12% sur l’assurance habitation, soit 60 euros en moyenne par an. Les experts songent à porter ce taux à 18%. Une mesure impopulaire, qui ferait immédiatement grimper la facture des assurés. Finalement, la solution pour pénaliser le moins possible le pouvoir d’achat des clients de compagnies d’assurances reste de prévenir ces risques en améliorant l’écoulement des sols, en réduisant la bétonisation des littoraux, et en luttant directement contre le dérèglement climatique.