La justice a finalement condamné l’une des plus grosses arnaques à la consommation de ces dernières années, une affaire de ventes abusives qui a fait des milliers de victimes. Mercredi 22 mai, le tribunal de commerce de Paris a décidé de la liquidation judiciaire de filiales du groupe Indexia, dont les magasins de téléphonie Hubside Store, après avoir fait de même fin avril pour la Sfam, vendeur d’assurances pour les produits multimédias.
En 2016, la Sfam, une société d’assurances, se fait connaître grâce à un partenariat avec le groupe Fnac-Darty afin de vendre des «assurances affinitaires» (liées à un produit ou un service). Chaque acheteur pouvait ainsi se voir proposer une assurance Sfam par un vendeur de la Fnac ou de Darty, ou par téléphone. Face aux alertes répétées de clients se plaignant de méthodes de souscription douteuses, avec des prélèvements non désirés et répétés, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) conclut à des pratiques commerciales trompeuses. L’enquête aboutit, en 2019, avec une transaction pénale d’un montant de 10 millions d’euros. La même année, la Sfam perd son partenariat avec la Fnac, puis, en 2023, son agrément comme société d’assurances.
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En plus de la Sfam, le groupe Indexia, via ses magasins Hubside, spécialisés dans la revente d’objets multimédias neufs ou reconditionnés, est aussi accusé d’avoir utilisé des méthodes de vente forcée pour d’obscurs abonnements ou assurances. Là encore, avec des prélèvements bancaires indus. Le groupe doit également répondre d’un système mis en place pour limiter les résiliations. Les montants, encore plus importants que dans l’affaire de la Sfam, pouvaient atteindre plusieurs milliers d’euros par client en quelques mois. Des démarcheurs étaient notamment chargés d’appâter le chaland qui passait devant les magasins Hubside en promettant toutes sortes de cadeaux et avantages, avec un discours bien rodé.
Une fortune estimée à 1,4 milliard d’euros
«Quand le business plan d’une entreprise repose sur une escroquerie, il n’y a pas d’autre issue possible» que la liquidation, aurait déclaré la procureure en audience mercredi, d’après des élus CFDT d’une des entités. Et d’ajouter : «Sadri Fegaier a trompé les salariés et a fait plus d’un millier de victimes, qu’il ne faut plus appeler des clients.»
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La Sfam et Hubside étaient les têtes de gondole d’une nébuleuse de filiales, désormais quasiment toutes en liquidation, détenues par Sadri Fegaier, un patron au parcours atypique. Fils d’immigrés tunisiens et diplômé d’un BTS en assurance, son succès fulgurant dans les années 2018-2019, avec notamment le soutien de grands investisseurs, comme Ardian, font de lui l’exemple parfait du self-made-man. En 2018, Sadri Fegaier, qui a décidé d’installer le siège de son groupe à Romans-sur-Isère (Drôme), dont il est originaire, entre au classement des 500 plus grandes fortunes de France du magazine Challenges. Il y figurait toujours en 2023, avec une fortune estimée à 1,4 milliard d’euros.
«J’ai dû changer de compte»
Dans les couloirs du tribunal mercredi, Julien, un informaticien de Creil (Oise), est venu pour s’enquérir de la décision. Il a été doublement floué. D’abord, en 2019, en tant que client de la Sfam. Les prélèvements se sont poursuivis jusqu’en 2022. «J’ai dû changer de compte», explique-t-il. Mais aussi en tant que prestataire pour Indexia, qui ne lui a jamais payé le logiciel qu’il lui a livré. Au total, Julien estime le préjudice à près de 25 000 euros, dont la moitié de prélèvements de la Sfam. «Les clients ont deux mois à compter de la publication de la liquidation au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) pour déclarer leur créance (et espérer un remboursement, au moins)», explique l’avocate qui représente de nombreuses victimes. Sur le groupe Facebook d’entraide, devenu principal forum de discussion et de soutien entre sinistrés, on sentait un parfum de victoire, même si nombre de ses membres n’ont pas pu obtenir réparation. Les salariés de ces sociétés, qui n’avaient pas été payés en avril, attendaient la décision de liquidation pour pouvoir toucher une rémunération.
Les dettes des différentes sociétés atteignent au total plusieurs dizaines de millions d’euros, selon les élus. «Pas d’iceberg en vue», avait assuré la direction quelques semaines auparavant, rapporte une élue du personnel qui ajoute, abattue : «On l’a pris l’iceberg.» La CFDT s’est portée partie civile, aux côtés de nombreux clients, lors du procès au tribunal correctionnel doit se tenir à l’automne pour pratique commerciale trompeuse. Une échéance très attendue, autant pour les possibilités de réparation qu’elle offrirait aux clients que pour obtenir des réponses. Une question taraude les élus : où est passé l’argent prélevé sur les comptes des clients ? «Nous n’en avons pas fini avec Sadri Fegaier.»