Quelle issue pour Atos, en pleine débâcle financière ? Le groupe informatique présentait ce lundi 8 avril au soir à ses créanciers un plan de réduction de sa dette de 4,6 milliards d’euros, qu’il n’est actuellement pas en mesure de rembourser. Plusieurs scenarii sont possibles pour ce géant déficitaire, fort de 100 000 salariés, qui a vu deux candidats à sa reprise jeter l’éponge ces dernières semaines. D’abord le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, qui a retiré fin février son offre sur la branche d’infogérance Tech Foundations. Puis le groupe Airbus, qui a renoncé à racheter la branche BDS (cybersécurité, IA et supercalculateurs). Plus aucun schéma ne se dessine dans l’immédiat sur une scission en deux entités, prévue par la direction en 2022. Reste à trouver une nouvelle solution pour ce groupe qui a la particularité de travailler pour la dissuasion nucléaire française, activité que Bercy a promis de protéger par une solution «nationale».
Depuis des semaines, Atos négocie donc avec ses banques créancières, via Hélène Bourbouloux, administratrice judiciaire expérimentée qui est déjà intervenue dans les dossiers Casino, EuropaCorp et Orpea. La solution immédiate d’un rééchelonnement de la dette, qui doit être présentée aux marchés mardi 9 avril au matin, constituera en réalité le début d’une nouvelle procédure, selon un banquier d’affaires : le lancement d’un nouvel appel à candidatures pour la reprise du groupe. Tous les scenarii devraient en tout cas comprendre une injection de fonds et une augmentation de capital, ainsi que la transformation d’une partie de la dette bancaire en capital ou un effacement des créances pour les créanciers les moins chanceux.
Aucun industriel français du secteur ne s’est manifesté
Deux offres seront en concurrence, selon la même source. Premier sur les rangs, le cabinet de conseil Onepoint, dirigé par David Layani, qui a levé 500 millions d’euros auprès du fonds américain Carlyle et détient déjà 11,4% d’Atos. David Layani a annoncé le 24 mars vouloir devenir l’actionnaire de référence d’Atos avec environ 35% du capital. Il vient de trouver un allié : Butler Industries, le fonds de Walter Butler, un spécialiste de la reprise d’entreprises en difficulté, qui a annoncé dimanche qu’il soutenait le plan de Onepoint.
Autre candidat qui pourrait revenir dans la course, Daniel Kretinsky, qui reste intéressé par la branche d’infogérance, et pourrait s’allier à d’autres investisseurs. Comme le groupe canadien CGI, très intéressé par la branche cybersécurité, IA et supercalculateurs. Cette opération ressemblerait ainsi à celle que l’homme d’affaires tchèque a réalisée pour la reprise de Casino. Reste à savoir ce que décidera Bercy, qui dit vouloir trouver pour les activités stratégiques une solution «nationale», ce qui vise l’activité des supercalculateurs, qui servent à la simulation des essais nucléaires, ainsi que Worldgrid, la filiale qui fournit les systèmes de contrôle commande des centrales nucléaires d’EDF. Sauf que, pour l’instant, aucun industriel français du secteur – on pense à Schneider, Dassault ou Thales – ne s’est manifesté.
«La solution Layani, on n’y croit qu’à moitié»
Les salariés, eux, sont très inquiets. «La direction a annoncé [à ceux] qui ont une part variable une réduction de cette part variable de 25%. Alors que le groupe a dépensé des milliards en acquisitions hasardeuses. Nous estimons qu’il s’agira d’une restructuration technique pour tenir jusqu’aux JO, dont Atos est partenaire pour l’informatique», a commenté à Libération Pascal Besson, délégué syndical central de la CGT Atos. «Pour nous, une scission d’Atos en deux serait une aberration, car les deux parties sont complémentaires. La solution Layani, on n’y croit qu’à moitié, et quand on coupe un groupe en deux, on voit ce que Kretinsky a fait avec Casino», s’alarme la CGT. Le syndicat préconise un projet alternatif qui maintienne l’unité d’Atos et où l’Etat rentrerait au capital, ou des sociétés proche de l’Etat comme Thales ou Dassault, afin d’alléger la dette et d’attirer de nouveaux investisseurs. «On a des contrats à long terme, avec l’armée, le service public, le nucléaire : le plan industriel d’Atos fonctionnerait si Thierry Breton n’avait pas endetté le groupe avec une croissance externe hasardeuse, estime le syndicat. Nous devons nous recentrer sur l’Europe en vendant les activités américaines, comme Syntel.»