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Licenciements

Auchan confirme vouloir supprimer 2 389 emplois en France

La crise et ses dégâtsdossier
L’enseigne de magasins annonce ce mardi 5 novembre un plan de réorganisation du groupe appelé «plan de reconquête», qui passe dans un premier temps par la suppression de plus de 2 000 postes à travers toute l’entreprise.
Un magasin Auchan à Villeneuve-d'Ascq en juillet 2015. (Jarry/ANDBZ/ABACA/Jarry/ANDBZ/ABACA)
publié le 5 novembre 2024 à 10h20
(mis à jour le 5 novembre 2024 à 11h29)

Le couperet est tombé. Le distributeur Auchan a présenté ce mardi 5 novembre à ses représentants du personnel un projet de plan social menaçant 2 389 emplois en France, notamment via la fermeture d’une dizaine de magasins, a fait savoir la direction. L’entreprise assure dans un communiqué de presse qu’il s’agit d’«un plan de retour à la croissance» avec «un nouveau projet commercial, un positionnement prix plus attractif et une refonte de son modèle». «Ce plan de reconquête impose des décisions responsables», justifie Auchan, avec une «transformation profonde» et une «nouvelle organisation» de l’entreprise.

Dans le détail de ce «plan de sauvegarde de l’emploi», l’enseigne de magasins, qui fait travailler environ 54 000 personnes en France, va supprimer 784 postes au sein de ses sièges et 915 postes dans ses magasins. L’entreprise prévoit l’arrêt de l’activité de livraison directe à domicile, qui entraînerait 224 suppressions de postes. Et elle souhaite fermer une dizaine de points de vente non rentables (466 postes supprimés), dont trois hypermarchés à Clermont-Ferrand Nord (Puy-de-Dôme), Woippy (Moselle) et Bar-le-Duc (Meuse), ainsi qu’un supermarché à Aurillac (Cantal). Le distributeur assure qu’il y aura «une phase de départs volontaires» et que «chaque collaborateur concerné sera accompagné pour qu’il trouve une solution d’emploi pérenne».Toutefois, cette stratégie n’est pas un «projet de décroissance», a promis le directeur général de la marque, Guillaume Darrasse auprès de plusieurs médias, ajoutant que «la baisse des coûts est un moyen, pas une finalité».

«C’est choquant, scandaleux»

«C’est catastrophique. Ça va laisser beaucoup, beaucoup de salariés dans la difficulté, de familles. C’est choquant, scandaleux», s’est indigné Franck Martineau, délégué syndical FO Auchan Retail, après avoir pris connaissance du chiffre précis de suppressions de postes. Pour Gilles Martin, délégué CFDT Groupe Auchan-France, ce plan social devra être «à la hauteur du sacrifice demandé aux salariés, avec un maximum de reclassement». Les syndicats dénoncent le manque de «stratégie dans la longueur» de la direction, et sont pessimistes quant aux chances d’éviter la «casse» des emplois. Les négociations doivent se poursuivre la «semaine prochaine», après l’ouverture du plan social. Une annonce qui a fait également réagir du côté de la classe politique. Le ministre de l’Economie Antoine Armand a déclaré qu’il comptait «s’assurer» que «la priorité de cette transformation est bien l’emploi» tandis que Léon Deffontaines, porte-parole du Parti communiste, a affirmé sur France Info que «le groupe Mulliez est en train de détruire de l’emploi en France».

Auchan, longtemps fleuron de la galaxie Mulliez, est en mauvaise posture depuis plusieurs années. «Les difficultés» du distributeur en France «ont des années durant été couvertes par les activités à l’international», explique le spécialiste du secteur de la grande distribution Olivier Dauvers. Mais depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la très rentable branche russe du distributeur ne joue plus ce rôle. Des informations de presse ont évoqué ces derniers jours la vente de cette filiale russe, qui se refuse pour sa part de commenter «les rumeurs sur le marché».

Auchan à la peine face à ses concurrents

Depuis la déconfiture du groupe stéphanois Casino, où un PSE est également en cours et pourrait toucher plus de 3 000 emplois, Auchan est régulièrement cité comme le plus mal en point de la grande distribution alimentaire. Le groupe cumule plusieurs handicaps en France, même s’il a des actionnaires solides financièrement, en la personne de l’Association familiale Mulliez (AFM), également détentrice des lucratifs Leroy Merlin ou Decathlon.

D’abord, la part de marché d’Auchan, à 9,1 % au dernier pointage, loin derrière E.Leclerc (24,1 %), Carrefour (21,4 %), Mousquetaires /Intermarché (17,4 %) et Coopérative U (12,2 %). Cela lui laisse moins de marge de manœuvre dans ses négociations avec les fournisseurs agro-industriels.

Pour peser plus lourd, le distributeur s’est associé avec son concurrent Intermarché pour acheter ensemble dans une alliance d’une durée inhabituellement longue de 10 ans. Le groupe est également propriétaire de la plupart de ses magasins et gère très peu de franchises. Il souhaite à présent «revisite [r] le modèle de ses supermarchés pour attirer davantage de partenaires franchisés». Ces regroupements d’entreprises indépendantes réduisent au maximum les coûts de fonctionnement avec généralement des conditions sociales moins élevées. Cela permet en général à ces magasins de pouvoir vendre leurs produits à des prix plus compétitifs.

Autre point faible pour Auchan : le groupe a misé historiquement sur le format des hypermarchés or celui-ci est moins en vogue aujourd’hui. Dans son communiqué, il annonce «le redimensionnement progressif d’une soixantaine d’entre eux». Sur les six premiers mois de 2024, le holding d’Auchan, Elo, a subi une perte nette de près d’un milliard d’euros. L’an dernier, elle avait souffert d’une perte nette de 379 millions d’euros avec des ventes en recul. L’inflation avait pourtant dopé les ventes de la plupart de ses concurrents de la grande distribution.

Mis à jour à 11 h 20 avec davantage de contexte et à 16 h 40 avec les réactions politiques et des syndicats.