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«Aussi rapide que brutal» : inquiétudes chez Moët Hennessy après l’annonce de la suppression d’un millier de postes

La filiale de vins et spiritueux du groupe de Bernard Arnault a annoncé jeudi 1er mai sa volonté de se séparer de 10 % de sa masse salariale, via un non-remplacement de départs. La CGT dénonce une décision qui risque de dégrader les conditions de travail et menace d’un mouvement social.
Du campagne Moët servi à Cleveland, aux Etats-Unis, le 30 octobre 2014. (Duane Prokop/Getty Images. AFP)
publié le 2 mai 2025 à 12h45

Entre un ralentissement de la demande mondiale et un net recul de ses ventes en 2024, il y a de l’eau dans les bulles de gaz de Moët Hennessy. La société de vins et spiritueux, filiale du géant LVMH, envisage de supprimer 10 % de sa masse salariale. Le média La Lettre a révélé jeudi 1er mai que le PDG de Moët Hennessy, Jean-Jacques Guiony, et son directeur général adjoint Alexandre Arnault, ont annoncé dans une vidéo envoyée aux salariés de la société leur intention de supprimer à terme de 1 000 à 1 200 postes.

Reconnaissant ensuite auprès de l’AFP avoir retrouvé le «niveau d’activité qui était le sien en 2019», avant la crise du Covid, Moët Hennessy a pourtant explicité «son intention d’ajuster son organisation et de revenir progressivement à ses niveaux d’effectifs de 2019, essentiellement par la gestion de son turn-over naturel et le non-renouvellement de postes vacants». Ces suppressions se feront via le non-remplacement de départs sur les 9 400 postes que compte l’entreprise dans le monde, sans recours à un plan social, ont assuré les deux dirigeants.

L’annonce a pris de court les syndicats, prévenus seulement le jour même, peu de temps avant la diffusion de la vidéo. Auprès de Libération Alexandre Rigaud, délégué syndical CGT Moët & Chandon, affirme ne pas comprendre cette décision «aussi rapide que brutale» de la part de la direction. «Beaucoup de salariés inquiets nous appellent. Ils se posent énormément de questions car nous n‘avons pour le moment que très peu d’informations», explique-t-il. Cette réduction des effectifs risque de «dégrader» les conditions de travail, déplore la CGT.

D’autant que les postes concernés par le non-renouvellement sont encore flous. Les cadres pourraient être affectés, tout comme nombre de CDD employés dans les vignobles, entrevoit la centrale de Montreuil. Pourraient aussi se retrouver sur le carreau de petites marques de vodka, de rhum ou encore de tequila appartenant au groupe.

«Ils parlent également de mobilités internes. Mais ce n‘est pas si simple que ça car chaque poste à ses compétences et caractéristiques. Un ouvrier en production ne va pas pouvoir remplacer quelqu’un dans les bureaux à Paris. Et inversement», développe le délégué Alexandre Rigaud.

Moët Hennessy «continue à faire de l’argent»

La filiale vins et spiritueux de LVMH a connu un net recul en 2024, avec un chiffre d’affaires en repli de 11 % sur l’année à 5,9 milliards d’euros. «Après trois années exceptionnelles, la normalisation post-Covid de la demande de champagne et de cognac, amorcée en 2023, s’est poursuivie dans un contexte de ralentissement de la consommation et de marché plus difficile en Chine», faisait valoir LVMH à l’occasion de la publication de ses résultats annuels, fin janvier.

Pour le premier trimestre 2025, le chiffre d’affaires de cette division dirigée depuis février par l’ancien directeur financier du groupe Jean-Jacques Guiony, secondé d’Alexandre Arnault, a poursuivi son recul, avec une baisse de 8 % à 1,3 milliard d’euros, tiré vers le bas notamment par les ventes de cognac. En 2024, les Etats-Unis représentaient 34 % des ventes de vins et spiritueux de LVMH, avec des marques comme Moët, Dom Perignon ou Hennessy.

«Peut-être qu’on sera obligés d’aller sur Paris»

Des explications insuffisantes pour Philippe Cothenet, secrétaire général adjoint de l’intersyndicale CGT Champagne. Lui estime que malgré cette baisse, le groupe reste «sur trois années exceptionnelles» et que Moët Hennessy «continue à faire de l’argent». «Dès qu’il y a une année où cela va un peu moins bien, on parle directement de suppression de postes», proteste-t-il.

Pour Alexandre Rigaud, la guerre commerciale lancée par Donald Trump et les menaces de la Chine de taxer le Cognac n‘ont en réalité fait qu’«accélérer» une décision déjà prise. Soulignant la volonté de d’abord «rencontrer la direction», puis «d’informer les salariés», le représentant cégétiste met tout de même la menace d’un mouvement social sur la table : «Peut-être qu’on sera obligés d’aller sur Paris avec l’ensemble des maisons pour alerter et avoir des réponses».