Pour détailler les mesures appelant les entreprises à participer au redressement des finances publiques, les ministres qui ont défilé à Bercy ce jeudi 10 octobre ont enfilé des gants. Antoine Armand, le ministre de l’Economie et des Finances a ainsi prévenu à propos de la nouvelle contribution sur les bénéfices des grandes entreprises : «C’est un effort important que nous demandons, nous en avons conscience, mais c’est un effort nécessaire et, je le répète, temporaire.» Astrid Panosyan-Bouvet, la ministre du Travail, a ensuite assuré, à propos de la baisse des exonérations des cotisations des employeurs qui fait bondir le Medef, «entendre leurs inquiétudes». Mais tous les deux ont également rafraîchi la mémoire des chefs d’entreprise : «Je souhaite aussi rappeler que les entreprises ont été soutenues à la fois face aux crises et dans leur croissance tout au long des sept dernières années», a souligné Antoine Armand.
«Répartir équitablement l’effort»
Pour les plus grandes entreprises, la principale mesure (en rendement) prévue dans le projet de loi de finances concerne les 440 plus gros groupes, dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d’euros. Ils seront appelés à payer «un complément exceptionnel sur leurs profits». Le gouvernement en attend 8 milliards d’euros pour 2025 et 4 milliards l’année suivante. Seront concernés leurs bénéfices «réalisés en France sur les années 2024 et 2025, avec un taux réduit de moitié à mesure que des mesures structurelles d’économies prendront le relais», précise Bercy. Deux niveaux d’imposition sont prévus «pour répartir plus équitablement l’effort». Pour celles entre 1 et 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, «la contribution correspond à 20,6 % de l’impôt sur les sociétés dû au titre de 2024», pour celles au-delà de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 41,2 %.
Les autres mesures sont de plus faible ampleur. Comme l’avait envisagé lui-même le patron du transporteur CMA CGM la semaine dernière, les entreprises du fret maritime au chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros, qui bénéficient de l’avantageuse taxe au tonnage, sont mises à contribution avec une taxe exceptionnelle qui rapporterait 500 millions d’euros l’an prochain, 300 millions en 2026. «La taxe sera assise sur la part du résultat d’exploitation correspondant aux opérations de fret maritime, à un taux de 9 % pour le premier exercice et 5,5 % pour le second», détaille Bercy. Pas question donc de revoir les modalités de leur niche fiscale.
Taxer le rachat par les entreprises de leurs propres actions
Une autre mesure, encore plus symbolique, puisqu’elle ne rapporterait que 200 millions d’euros, correspond à une vieille promesse d’Emmanuel Macron formulée au printemps 2023 et qui a été maintes fois reportée, celle de taxer les rachats par des entreprises de leurs propres actions, pour en faire monter le cours. Cette pratique de certains grands groupes à propos de laquelle le chef de l’Etat avait considéré qu’il y avait «un peu de cynisme à l’œuvre» sera taxée à hauteur de 8 % sur le montant des actions annulées, pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros.
Les grandes entreprises, et les autres d’ailleurs, doivent être soulagées, puisque plusieurs pistes d’économies mises dans le débat public, notamment citées dans les récentes revues de dépenses publiques, n’ont pas été retenues par le gouvernement. Le crédit d’impôt recherche n’est pas raboté, alors que des rapports nombreux ont souligné ses limites. Les conditions du pacte Dutreil, à propos de la transmission des entreprises dans le cadre familial, ne sont pas non plus modifiées.