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Libération
Justice fiscale

Budget 2026 : après le rejet de la taxe Zucman à l’Assemblée, PS et gouvernement dissertent sur le compromis

L’examen du projet de loi de finances 2026 s’est poursuivi ce vendredi 31 octobre au soir après le vote contre l’impôt plancher sur les patrimoines de plus de 100 millions d’euros.

Olivier Faure et les députés des rangs de gauche, à l'Assemblée nationale, ce vendredi 31 octobre. (Alain Jocard/AFP)
ParDamien Dole
Journaliste - Economie
Lucie Alexandre
Publié le 31/10/2025 à 17h34

Sans surprise au vu des déclarations des différents partis et du vote en commission des finances la semaine dernière, les amendements de gauche défendant la mise en place d’une taxe Zucman ont été rejetés ce vendredi 31 octobre à l’Assemblée. L’idée, inspirée par les travaux de l’économiste Gabriel Zucman, est de créer un impôt minimum de 2 % sur les patrimoines de plus de 100 millions d’euros.

La France insoumise, le Parti socialiste, les Ecologistes et les communistes avaient chacun déposé un amendement pour l’instauration de cette taxe Zucman et, dans une même discussion commune, les trois premiers avaient aussi défendu un impôt sur la fortune climatique, également rejetés.

«Nous sommes des mous», a lancé François Ruffin dans l’hémicycle pour introduire son discours en défense de la taxe Zucman. Façon de signifier que cette mesure d’équité fiscale n’a rien selon lui de radicale, contrairement à ce que laissent entendre la droite, le camp présidentiel et l’extrême droite, qui n’ont jamais voulu en entendre parler. «Nous avons sur ces bancs des radicaux de l’argent. Les grands patrimoines crient comme si on allait les égorger : “Ma cassette, ma cassette !”», cabotine le député de la Somme, rattaché au groupe Ecologiste et Social, en allusion à l’Avare de Molière. «C’est toujours la même pièce qui se joue. Mais dites-vous qu’on ne leur prend pas 2 %, on leur laisse 98 %. Pensez à la France !» commande-t-il à ses collègues du «bloc central».

Débat sur la constitutionnalité de la mesure

Dans sa démonstration visant à rejeter cette disposition, la ministre du Budget, Amélie de Montchalin, a, elle, assuré : «Je peux vous dire avec beaucoup de sérénité que le Conseil constitutionnel ne validerait aucun de ces impôts.» «La taxe Zucman est pensée, réfléchie, constitutionnelle et égalitaire et elle fait payer tout simplement ceux qui depuis quelques années ont accumulé des richesses absolument indécentes», a rétorqué dans la foulée Eric Coquerel, président LFI de la commission des finances. Juste avant le vote, Montchalin a malgré tout lu un avis du Conseil d’Etat concernant un amendement d’Estelle Mercier, proposant une taxe Zucman allégée, la jugeant inconstitutionnelle.

Les orateurs de LR, de Renaissance, Horizons, du Modem ou encore Charles de Courson (Liot) ont torpillé la mesure. «Nier la hausse des inégalités sociales et de patrimoine est une folie, et je ne comprends pas pourquoi ce gouvernement le fait», a de son côté asséné Jean-Philippe Tanguy, du RN. Mais a ajouté, scellant l’avenir de la taxe Zucman dans ce PLF 2026 : «La taxe Zucman n’existe pas. Faire croire qu’il y a 15 milliards de poules aux œufs d’or dans les placards de Bercy, c’est une absurdité.» Il y a huit mois, les députés du RN n’avaient pourtant pas voté contre la proposition de loi du groupe écologiste visant à instaurer cette taxe Zucman mais s’étaient majoritairement abstenus. Ce qui n’a pas empêché Tanguy d’adresser au PS : «Je suis sûr que vous ne croyez pas une seconde à ce mirage, vous avez agité la taxe Zucman pour justifier une non-censure et aujourd’hui cette arnaque va se dévoiler.»

Pour Antoine Léaument (LFI), c’est «la fin de la mascarade» et «la fin d’un jeu de dupes entre le PS et les macronistes». «La seule manière de négocier avec ce gouvernement, c’est de le faire partie, en votant la censure. […] Il faut les dégager !» s’est-il enflammé, à l’adresse des socialistes.

Le PS attend de son côté une ou plusieurs propositions du gouvernement pour récolter 10 à 15 milliards sur les plus riches pour ne pas voter contre ce budget. Mais Boris Vallaud a commencé a exprimé son impatience : «Vous avez accepté comme nous l’augure du compromis, a dit le président du groupe PS. Je le dis à monsieur le Premier ministre, il n’y a pas depuis que nous sommes dans cet hémicycle le moindre compromis.» Et de conclure, devant un Lecornu impassible : «Nous ne pouvons pas laisser la République sacrifiée sur l’autel de l’intransigeance de quelques-uns et du mensonge de tous les autres». Dans la foulée, Olivier Faure a résumé : «Ces 15 milliards [de nouvelles recettes], nous ne les avons pas.»

«A ce moment où je vous parle, il n’y a pas de possibilité de voter ce budget»

Les tractations entre le gouvernement, la macronie et le PS se sont ensuite poursuivies dans l’hémicycle, parfois sans rapport avec les amendements défendus. «On vous a proposé il y a plusieurs semaines, avant la discussion budgétaire, de nous mettre tous autour de la table, a par exemple dit Gabriel Attal en s’adressant au PS, et négocier ensemble un véritable compromis budgétaire qui nous aurait amenés, nous, à voter des mesures avec lesquelles nous étions en désaccord et vous, des mesures avec lesquelles vous seriez en désaccord. C’est ça le vrai compromis. […] Vous avez refusé cette méthode.»

Après avoir «remercié» Sébastien Lecornu d’avoir annoncé ce vendredi dans l’hémicycle qu’il était favorable aux amendements supprimant les «gels» prévus sur les pensions de retraites et prestations sociales contenues dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), Olivier Faure expliqué ce qu’était à ses yeux le compromis. «L’abandon du 49.3 n’exonère pas la recherche de compromis comme vous semblez parfois le dire, a en revanche ajouté le patron du PS. Parce qu’il faudra à la fin une majorité pour voter le budget.» Et de donner son analyse : «A ce moment où je vous parle, il n’y a pas de possibilité de voter ce budget, donc entendez-le et comprenez-le.» Il faudra donc encore attendre les éventuels bougés du gouvernement pour savoir si ce budget pourra passer.

Mise à jour à 21h30 : avec les réactions d’Olivier Faure et de Gabriel Attal.