Un premier col franchi dans son «Himalaya» budgétaire. Après avoir planché dessus en secret pendant des semaines, François Bayrou a présenté ce mardi 15 juillet ses grandes orientations pour le budget 2026, placé sous le signe de la rigueur. «C’est notre moment de vérité» face à la «malédiction» de la dette, «qui augmente de 5 000 euros chaque seconde», a-t-il dramatisé dans un long préambule. Avant de lancer que «notre pronostic vital comme Etat est engagé», histoire de préparer les esprits à la potion amère qu’il concocte. Estimant que la France est «devenue accro à la dépense publique», le Premier ministre a ensuite déroulé plusieurs mesures constituant «deux plans d’action cohérents […] pour dire “stop à la dette” et pour dire “en avant la production”». Si toutes ces annonces doivent toutefois encore passer le cap du Parlement à l’automne, voici l’essentiel des mesures avancées par le chef du gouvernement :
Les réductions de dépenses revues à la hausse
Après avoir servi à toutes les sauces ces derniers mois les «40 milliards d’euros» d’efforts pour lutter contre le déficit, le Premier ministre a encore relevé son remède de cheval pour les finances publiques françaises, à «43,8 milliards d’euros» à économiser l’an prochain.
Le chef du gouvernement a mis en avant «un plan pluriel de retour à l’équilibre de la dette sur quatre ans», vantant une mesure «réaliste et atteignable». Alors que le déficit était de 5,8 % en 2024, François Bayrou affirme que la cible de 5,4 % cette année sera atteinte. Puis il vise «4,6 % en 2026, 4,1 % en 2027, 3,4 % en 2028 et enfin 2,8 % en 2029». Soulignant que cet objectif se situe juste en dessous des sacro-saints 3 % européens, le Premier ministre a fait savoir que le chiffre «n’est pas choisi au hasard : c’est le seuil à partir duquel, dans un pays comme le nôtre, la dette n’augmente plus».
Economies partout…
Règle numéro 1 : «Ne pas dépenser davantage à l’euro près en 2026 qu’en 2025», hormis les indispensables remboursements de la dette et dépenses supplémentaires pour le budget des armées. Et tout le monde devra mettre la main à la pâte. «Il est illusoire de penser qu’une catégorie ou une autre puisse seule porter le fardeau», a martelé François Bayrou. Pour montrer l’exemple, tous les ministères, sans exception, «seront solidaires de cet effort collectif». Le chef du gouvernement a ainsi annoncé le non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite, la suppression de plus de 1 000 emplois dans des «agences improductives qui dispersent l’action de l’Etat» ou encore la suppression de 3 000 postes de fonctionnaires en 2026 «hors postes d’élèves professeurs créés dans le cadre de la réforme des enseignants».
Afin de «mieux gérer» le patrimoine «improductif de l’Etat», qui dispose de biens immobiliers dont la valeur se chiffre en «centaines de milliards d’euros», François Bayrou entend aussi créer une «société foncière» dédiée. Les agents immobiliers se lèchent déjà les babines. De plus, il est demandé aux collectivités locales d’encore se serrer la ceinture, à hauteur de 5,3 milliards d’euros, selon un document ensuite envoyé par Matignon.
Dans un ordre de valeur similaire, un plan de réduction de 5 milliards d’euros des dépenses sociales annuelles est aussi sur la table. Bayrou a ainsi esquissé le doublement à 100 euros de la franchise sur les médicaments, et, dans le cas des maladies longue durée, le déremboursement des médicaments «sans lien» avec l’affection et même une «sortie du statut» dans des cas plus justifiés.
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En outre, se profile une «année blanche» côté social, c’est-à-dire un gel du barème des impôts, des prestations sociales et des retraites en 2026, afin de limiter la progression de ces dépenses de «sept milliards d’euros». «On aura exactement le même montant des retraites pour chaque pensionné que celles qu’on avait en 2025», a-t-il promis. Et «l’ensemble des prestations sociales seront maintenues en 2026 à leur niveau de 2025 et il n’y aura pas d’exception». «Les barèmes de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée seront eux aussi maintenus à leur niveau de cette année», a-t-il encore précisé.
Après avoir martelé que «l’effort de la nation se doit d’être équitable» pour redresser les finances publiques, le locataire de Matignon a promis la création d’une «contribution de solidarité» pour les Français «les plus fortunés». Cette contribution «devra faire participer à l’effort national les plus hauts revenus», a-t-il dit, en rappelant aussi sa volonté de «lutter contre l’optimisation abusive des patrimoines non productifs».
Dans le même ordre d’idée, le Palois a annoncé sa volonté de déposer «à l’automne» un projet de loi gouvernemental «contre la fraude sociale et fiscale», pour «mieux la détecter, la sanctionner et recouvrer l’argent perdu». Son objectif : faire «la chasse aux niches fiscales inutiles, inefficaces, en commençant par les dispositifs qui arrivent à extinction». Mais sur le principe, il a dit vouloir agir sur les «niches fiscales et sociales qui profitent d’abord aux ménages les plus aisés et aux grandes entreprises».
…Oisifs nulle part
Second volet des annonces de Français Bayrou : le «combat» contre le «désenchantement face au travail», qui représente selon lui un «ennemi public». Résumé, qui fleure bon 2007 – la partie la plus importante en moins : «Il faut travailler plus.» Sans toutefois gagner plus.
Dans l’optique de «remettre la France au travail», François Bayrou a avancé la suppression de deux jours fériés : le lundi de Pâques – «qui n’a aucune signification religieuse» – et le 8 mai, «dans un mois de mai devenu un véritable gruyère où l’on saute de ponts en viaducs de congés». De quoi faire rentrer «plusieurs milliards» dans les caisses de l’Etat, «simplement car la nation travaillera». Mais le Premier ministre s’est dit ouvert à la possibilité de passer d’autres jours chômés à la moulinette, «si d’autres idées surgissent». Et celui-ci de justifier sa proposition : «Ce n’est pas du tout la même chose» qu’«une journée de solidarité dont on ne vérifierait pas vraiment si elle est accomplie ou pas, et qui se traduirait uniquement par des prélèvements sur les entreprises».
Après son conclave sur les retraites, le locataire de Matignon va proposer aux partenaires sociaux d’ouvrir des négociations sur l’assurance chômage et sur le droit du travail, afin notamment de «faciliter les recrutements» et augmenter les offres d’emploi. Le chef du gouvernement souhaite lancer «un nouveau chantier sur l’assurance chômage», soulignant que «beaucoup d’analyses indiquent qu’elle porte une responsabilité dans son organisation actuelle», et un second sur le droit du travail «pour améliorer les conditions de travail pour tous, faciliter les recrutements [et] augmenter les offres de travail lorsque c’est possible».
Il s’est aussi engagé à nouveau, à l’issue des discussions entre syndicats de salariés et du patronat sur les retraites, à faire figurer les avancées obtenues par le conclave dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) à l’automne «les mesures assurant l’équilibre financier du régime et un traitement plus juste, notamment pour les femmes dont la maternité est venue bousculer les carrières et la prise en compte de la pénibilité».
Chez Pol
Toujours dans son intention de dynamiser l’activité, François Bayrou suggère aussi de durcir les sanctions contre les entreprises qui imposent des retards de paiements trop longs à leurs partenaires commerciaux, en leur imposant une punition financière pouvant aller «jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires». Ces «pratiques qui fragilisent notre tissu économique», sont, a-t-il jugé, «l’un des problèmes fondamentaux auxquels les entreprises et notamment les PME se trouvent confrontées».
Dans un contexte de crainte d’un afflux de produits chinois en Europe en conséquence de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, François Bayrou a proposé «une taxe sur les petits colis», afin de «protéger nos commerces et nos producteurs de la marée de concurrence déloyale qui les assaille». L’idée plus générale du maire de Pau est d’encourager un «changement dans nos modes de consommation», «en encourageant davantage les circuits courts et les commerces de proximité».
Au milieu de toutes ces économies, François Bayrou a tout de même trouvé le moyen de débloquer 900 millions d’euros à destination des jeunes entreprises innovantes, plaidant en faveur du capital-risque, un «outil puissant pour l’innovation et la croissance des entreprises».
Enfin, le Premier ministre entend proposer «avant la fin de l’année» au Parlement un projet de loi gouvernemental visant à créer «une allocation sociale unifiée». Il souhaite ainsi «une solidarité plus lisible», mais qui donnerait «toujours la priorité au travail». Le versement social unique, qui fusionnerait plusieurs prestations sociales, est une ancienne promesse de campagne du président Emmanuel Macron, non tenue pour le moment.