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Libération
Projet de loi de finances

Budget vert 2023 : Bercy trie ses dépenses et paie la crise de l’énergie

Depuis 2020, le ministère de l’Economie et des Finances classe les dépenses publiques selon leur impact environnemental. Cette année, les objectifs favorables à la transition écologique sont percutés de plein fouet par le coût du bouclier énergétique, comptabilisé à part dans la loi de finances.
Le 29 septembre à Toulouse, lors de mobilisation intersyndicale pour la hausse des salaires, un sujet particulièrement sensible alors que les factures énergétiques explosent. (Charly Triballeau/AFP)
publié le 11 octobre 2022 à 21h01

Du vert, du gris et du marron. C’est selon ce code couleur que Bercy a passé au crible le contenu du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, classant 569,4 milliards d’euros de dépenses fiscales et budgétaires selon leur impact sur l’environnement. Ces 200 pages de «budget vert» sont annexées au PLF sous forme de «jaune budgétaire». Les dépenses sont analysées selon six axes – la lutte contre le changement climatique, l’adaptation à ce changement, la gestion des ressources en eau, la préservation de la biodiversité, la lutte contre les pollutions et la transition vers l’économie circulaire avec la gestion des déchets. Les dépenses qui ne sont favorables sur aucun de ces axes sont considérées comme brunes.

Le bouclier sur les prix de l’électricité et du gaz, dont la deuxième version pour 2023 est prévue dans le projet de budget qui est examiné à l’Assemblée cette semaine, a été comptabilisé à part. «Nous espérons que la période du bouclier soit la plus courte possible, on ne considère pas que cela soit une dépense pérenne», plaide-t-on au ministère. En effet, ces aides viennent percuter les objectifs environnementaux. Pour 2022, «les ouvertures de crédits budgétaires pour faire face à l’augmentation des prix de l’énergie conduisent à 11,9 milliards d’euros de dépenses défavorables», constate le rapport qui additionne les 7,6 milliards d’euros de remises sur les carburants entre le 1er avril et le 31 décembre, les aides au fioul ou les aides exceptionnelles aux entreprises à la facture énergétique élevée. Pour 2023, les boucliers tarifaires correspondent à 8,9 milliards d’euros de dépenses brunes supplémentaires.

Un exercice encore perfectible

Si on prend l’ensemble du PLF 2023, en incluant «les soutiens exceptionnels liés à la crise de l’énergie», le rapport souligne que les «dépenses défavorables augmentent de 9,3 milliards d’euros, dont 8,9 milliards du fait des “boucliers tarifaires” gaz et électricité» et que les «dépenses vertes sont globalement stables», parmi lesquelles le fonds vert ou le renforcement du dispositif MaPrimRenov. «Cette stabilité masquant les effets inverses entre le renforcement des dispositifs de transition écologique et les effets des prix élevés de l’énergie sur les dépenses de soutien aux producteurs d’énergies renouvelables», précise le rapport. Et Bercy insiste sur le fait que les dépenses ayant un impact défavorable à l’environnement restent très inférieures aux dépenses favorables – 19,6 milliards contre 37,5 milliards.

Sur le total des dépenses, près de 94 milliards ne sont pas cotés, soit parce que le ministère manque de données, soit parce qu’il estime que «l’état actuel des connaissances scientifiques ne permet pas d’évaluer de manière consensuelle l’impact environnemental», comme c’est le cas pour les dépenses dites numériques. L’essentiel des dépenses, soit 416,1 milliards, sont classées en gris, soit neutres, sans effet significatif sur l’environnement. Cela inclut par exemple les prestations sociales, comme les bourses ou l’allocation adultes handicapés «dont il est impossible de déterminer l’usage», note-t-on à Bercy.

C’est la troisième année consécutive que cet exercice encore perfectible est réalisé. La France a été pionnière en la matière, et a été ensuite imitée par une dizaine d’autres pays. Plusieurs grandes villes, comme Paris, se sont aussi livrées à ce criblage de leurs budgets. Une démarche de classification que le gouvernement souhaiterait voir s’étendre à l’ensemble des collectivités.