Avec son logiciel politique et économique, le gouvernement peine à trouver des solutions pour que les prix des carburants baissent. Vente à perte ou à prix coûtant, le sujet a rythmé l’agenda pouvoir d’achat de l’exécutif la semaine dernière. Et une fois la première solution évacuée fermement par TotalEnergies et les distributeurs, il ne reste que la seconde. En plus du retour d’une indemnité «limitée» pour les «travailleurs», de «100 euros par voiture et par an», Emmanuel Macron a demandé dimanche aux distributeurs de vendre le carburant «à prix coûtant» et leur demande donc de renoncer à leur marge pour faire face à la flambée du prix des carburants.
Il ne faut pas en attendre de miracles, assure ce lundi 25 septembre au matin, sur France Info, Olivier Gantois, porte-parole des pétroliers en France. «Quand on passe du prix pratiqué aujourd’hui au prix coûtant, on parle de quelques centimes par litre seulement de remise à la pompe. Les prix baisseraient, si on vendait à prix coûtant, de l’ordre d’un centime par litre», a résumé Olivier Gantois, le président de l’Ufip Energies et Mobilités, une organisation de lobbying des industries pétrolières. Et a déclaré ne pas vouloir «bercer les consommateurs d’illusions».
Selon Macron, la Première ministre «va rassembler tous les acteurs de la filière cette semaine et leur demander de faire à prix coûtant». «Pour nous, ce n’est pas possible», a déjà réagi Francis Pousse, président de la branche stations-service et énergies nouvelles au syndicat Mobilians, sur BFMTV ce lundi. Selon lui, vendre à prix coûtant revient à «une vente à perte» pour les petites stations. «La définition du prix coûtant, aujourd’hui, c’est le prix d’achat [auquel s’ajoute] le transport. En aucun cas […], on ne compte des coûts induits, c’est-à-dire la commission carte bleue, le salaire de la caissière, l’amortissement, etc.», développe-t-il. La Confédération des commerçants de France a, de son côté, redemandé ce lundi la mise en place d’une «commission de suivi d’impact sur l’ensemble des commerces de proximité» de la vente à prix coûtant du carburant.
«Il ne faut pas ouvrir cette boîte de Pandore»
C’est la suite d’un feuilleton politique qui a tourné court. Il y a dix jours, la Première ministre, Elisabeth Borne, avait dit vouloir que les carburants puissent être vendus à perte. Une mesure qui devait faire l’objet d’un projet de loi pour une entrée en vigueur début décembre et une durée de six mois. Mais dès mardi, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, avait donné le ton en refusant cette solution de vendre à perte ses carburants et «ne descendra pas plus bas» que le prix actuel de 1,99 euro par litre fixé actuellement dans les stations-service de son groupe en France.
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Le lendemain, les distributeurs, notamment Carrefour, Intermarché et Leclerc, avaient eux aussi prévenu : l’interdiction «de la revente à perte est un principe très important du commerce depuis 1963», avait estimé Alexandre Bompard, PDG de Carrefour et également président de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), qui représente une grande partie du secteur, ajoutant qu’«il ne faut pas ouvrir cette boîte de Pandore au risque de fragiliser à la fois l’équilibre des filières et l’équité territoriale entre les consommateurs». Il semble avoir été entendu par le président de la République.
«L’effort doit être fait par les pétroliers»
Mais si la mesure de vente à perte «ne sera pas dans le texte» sur les mesures anti-inflation présenté mercredi en Conseil des ministres a concédé Macron dimanche, «on la garde comme une menace», a-t-il assuré. Avant d’ajouter sur la construction des prix : en dehors de TotalEnergies, «les autres distributeurs ne sont pas raffineurs comme l’est Total. Pour tous les autres, on va aller demander aux raffineurs de nous donner de la transparence, voir où il y en a qui profitent et aller rechercher leurs marges.»
Olivier Gantois, porte-parole des pétroliers en France, reste, lui, sceptique quant à un geste des raffineurs : «On est dans la logique des marchés. Un carburant à un prix qui est continental, donc européen, qui résulte de l’équilibre offre-demande. Cet équilibre s’impose à la France. La France n’y changera rien, a-t-il expliqué. Au moment du confinement, les raffineurs ont passé un an et demi à perdre de l’argent. Ils ont quand même approvisionné en carburant les stations-service.»
«Si l’on veut que les pompistes de détail ne dépassent pas un prix de revente supérieur à 2 euros, l’effort doit être fait par les pétroliers, considère en revanche Michel Edouard Leclerc dans le JDD dimanche. Non seulement les distributeurs sont vent debout contre les ventes à perte, mais ils n’ont pas la capacité de le faire.» Et donner sa version sur l’impact des ventes à perte ou à prix coûtant : «Il est écrit partout que le carburant est un produit d’appel. Mais pour beaucoup, chez Leclerc comme chez Intermarché, le carburant représente de 20 à 25 % du chiffre d’affaires. C’est donc inconcevable pour l’équilibre de nos comptes de vendre à perte. Vendre à prix coûtant est déjà un gros sacrifice.» Peut-être pas aussi gros que celui que réalise une partie de la population quand elle passe à la pompe pour ses déplacements du quotidien.