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Libération
Bras de fer

Cession du Doliprane : les salariés de l’usine Sanofi de Lisieux en grève, le ministre de l’Economie sur place

Antoine Armand, accompagné du ministre délégué chargé de l’Industrie, Marc Ferracci, se trouve sur le site normand ce lundi 14 octobre, dans la matinée, pour défendre le maintien de la production en France face aux négociations en cours avec un fonds américain.
Le ministre de l'Economie Antoine Armand (à gauche) saluait le patron de Sanofi, Frédéric Oudéa (à droite), ce lundi 14 octobre à Lisieux. (LOU BENOIST/AFP)
publié le 14 octobre 2024 à 8h22
(mis à jour le 14 octobre 2024 à 11h17)

De quoi raviver nombre de mauvais souvenirs industriels. Quelques jours après l’annonce de négociations entre Sanofi et le fonds d’investissement américain CD & R pour la cession de la filiale produisant le Doliprane, le ministre de l’Economie, Antoine Armand, et le ministre délégué chargé de l’Industrie, Marc Ferracci, se rendent ce lundi 14 octobre sur le site de production de Sanofi à Lisieux (Calvados). Ils sont arrivés vers 10 heures, selon ce que Libération a pu constater sur place, afin de soutenir la production de Doliprane «made in France». Dans le comité d’accueil, figurait notamment le président de Sanofi, Frédéric Oudéa.

Le locataire de Bercy entend discuter «avec les salariés et leurs représentants de garanties, de conditions parce que produire du Doliprane en France est notre stratégie industrielle et souveraine et sanitaire et cela doit le rester», avait-il affirmé dimanche sur BFMTV.

Les salariés, eux, ont appelé à une grève pour ce lundi, avec un rassemblement à 9 heures devant les grilles de l’usine normande. La discussion entre Sanofi et le fonds américain, «une très très mauvaise nouvelle», s’est alarmé Christophe Quillé, de la CGT, et salarié de Sanofi depuis quarante ans. «On sait que les fonds de pension américains, ce sont des investissements à court terme», a-t-il rappelé samedi sur France Bleu. «Le passé, on le connaît : on ferme, puis quelques années après, un nouvel acheteur arrive. Alors il sabre dans les effectifs et au bout d’un moment, vend les meubles», s’est pour sa part inquiété Thierry Van Boxstael, co-secrétaire de l’Union locale de la CGT de Lisieux, au micro de BFMTV.

Sur le plateau de la chaîne d’info en continu, le jeune ministre de l’Economie montre les muscles dimanche. «Mon engagement est que le Doliprane continue à être produit en France, par des salariés en France», a martelé Antoine Armand. Interrogé sur une possibilité de bloquer cette vente, il a même laissé ouverte cette porte pourtant très interventionniste : «Nous demanderons des garanties extrêmement fortes, de nature à rassurer sur le moyen terme à la fois les salariés et les Français […] et si ce n’est pas le cas, rien ne me paraîtra interdit au premier abord.»

Mais avant d’en arriver à cette extrémité, le gouvernement est convaincu d’obtenir des engagements de maintien en France de sites industriels par la filiale de produits grand public de Sanofi. «Nous allons discuter de ces engagements dans le cadre de la procédure qui a été introduite ces dernières années, qu’on appelle la procédure de contrôle des investissements étrangers», qui permet éventuellement de bloquer la prise de contrôle d’une entreprise étrangère, a affirmé le ministre délégué chargé de l’Industrie Marc Ferracci sur France 3. «Je pense très sincèrement que des engagements seront pris, qui seront très solides, à la fois pour maintenir les emplois et pour maintenir la sécurité de l’approvisionnement des Français» en médicaments, a-t-il ajouté.

«Stratégiques»

Dans un mail à Libération ce lundi matin, le service communication de Sanofi a réfuté toute «délocalisation» à venir. «Ce projet n’aura pas d’impact sur l’emploi en France. Les sites de Compiègne et de Lisieux sont tellement stratégiques pour l’activité d’Opella [la filiale de Sanofi produisant le Doliprane, NDLR] qu’il est absurde d’imaginer une seule seconde que leur avenir ne serait pas assuré», a assuré le groupe pharmaceutique français.

L’annonce du passage du médicament le plus vendu en France sous pavillon américain a suscité une bronca chez les politiques de tous bords, dont certains ont exhorté le gouvernement à bloquer cette opération, au nom de la souveraineté sanitaire française.

Dans une tribune publiée par la Tribune dimanche, l’ensemble des parlementaires PS a pris la plume pour s’opposer à son tour à cette opération : «Le gouvernement doit refuser le rachat américain de l’usine de Lisieux de Sanofi, et imposer à Sanofi de préserver un contrôle national de ces activités indispensables pour notre souveraineté», ont-ils écrit.

Mise à jour : à 11h17, avec l’arrivée des ministres à l’usine de Lisieux, ainsi que le mail de Sanofi à Libé.