Menu
Libération
En ce jour de 1945

C’était un 16 janvier: Renault est nationalisé

Au fil des tempsdossier
Accusée d’avoir collaboré avec le régime nazi, l’entreprise de Louis Renault devient propriété de l’Etat en 1945. Le début d’une nouvelle ère pour le mouvement ouvrier.
En avril 1950 à la sortie de l'usine Renault de Boulogne-Billancourt, sur l'île Séguin. (AFP)
publié le 16 janvier 2022 à 4h37
(mis à jour le 14 avril 2022 à 11h06)

Le 16 janvier 1945, les usines Renault deviennent la «Régie nationale des usines Renault». La firme automobile est nationalisée. Avec l’ambition dans l’après-guerre de la reconstruction d’en faire «la vitrine sociale» du pays. Mais cette décision ne reposait pas seulement sur des considérations économiques. Proche des Croix-de-Feu et de la Cagoule, un mouvement terroriste et clandestin d’extrême droite, dans l’avant-guerre, Louis Renault se trouve accusé à la Libération d’avoir mis son appareil industriel au service des Allemands. Il s’en défendra arguant d’une réquisition des forces d’occupation. Sauf que cette réquisition, c’est Louis Renault qui la proposa aux Allemands, les usines Renault fournissant alors des camions pour la Wehrmacht. Les alliés décident donc de bombarder les sites du Mans et de Billancourt en mars 1942.

En 1946, la régie lance la production d’une voiture populaire et emblématique de l’après-guerre, la fameuse 4 CV. Plus d’un million de véhicules sortiront des chaînes de montage jusqu’à l’arrêt de sa production en 1961. L’île Seguin devient vite une «forteresse ouvrière», un bastion.

En 1968, les ouvriers votent la grève. De grands meetings rassemblant des milliers de travailleurs se tiennent alors sur ce vaisseau amarré au milieu de la Seine. Elle durera un mois, trente-trois jours et trente-quatre nuits exactement. La reprise du travail sera votée le 17 juin. Même si certains grévistes parlent de «gouvernement populaire et d‘autogestion», le mouvement est tenu solidement en main par la CGT et le PCF. Les acquis sociaux et droits syndicaux obtenus à l’issue de ce mouvement s’imposent alors comme une référence pour l’ensemble du monde ouvrier.

Marche vers la privatisation

Dans les années 70, l’entreprise fait l’objet de tentatives d‘infiltration de la part des groupuscules d’extrême gauche à commencer par les maoïstes de la Gauche prolétarienne (GP). En 1970, le philosophe Jean-Paul Sartre, juché sur un bidon, harangue les ouvriers de l’usine. Une image restée célèbre. En 1972, un militant maoïste et ancien de la firme, Pierre Overney, est abattu par un vigile de l’entreprise, Jean-Antoine Tramoni, lui-même tué par les Napap, le groupe armé clandestin issu de la GP. En novembre 1986, le groupe terroriste Action directe, également issu de cette mouvance, assassinera le PDG de Renault, Georges Besse, pour venger la mort de Pierre Overney. Et aussi parce que celui-ci avait procédé à de nombreux licenciements pour faire face à la crise financière qui secoue l’entreprise au début des années 80.

En 1986, le nouveau directeur, Raymond Lévy, entame la marche vers la privatisation de la Régie nationale des usines Renault. En juillet 1996, elle bascule définitivement dans le secteur privé. La «vitrine sociale» de la France a vécu.

DROIT DE REPONSE DES HERITIERS DE LOUIS RENAULT : ANNICK FABRY, HÉLÈNE DINGLI, LOUIS RENAULT, HENRI RENAULT ET OLIVIER RENAULT

L’article intitulé «C‘était un 16 janvier : Renault est nationalisé» publié le 16 janvier 2022 sur le site Internet www.libération.fr contient deux affirmations pouvant être qualifiées de diffamations dirigées contre la mémoire de Louis Renault. Il y est en effet d’abord affirmé que Louis Renault a été «dans l’avant-guerre» «proche des Croix-de-Feu et de la Cagoule, un mouvement terroriste et clandestin d’extrême droite» puis il est soutenu que Louis Renault a lui-même proposé à l’occupant nazi de réquisitionner ses usines qui fournissaient des camions aux forces armées allemandes.

Dans le cadre de l’exercice de leur droit de réponse prévu par les dispositions combinées des lois du 21 juin 2004 et du 29 juillet 1881, les descendants de Louis Renault, qui suivent depuis des décennies les importants travaux de recherche historique concernant le fondateur des Usines Renault, tiennent à préciser que ces deux affirmations ne reposent, à leur connaissance, sur aucun document sérieux ou source historique fiable.

La première affirmation selon laquelle Louis Renault aurait été proche de mouvements d’extrême droite et notamment d’une formation terroriste, la Cagoule, est sans fondement sérieux. Louis Renault n’a jamais apporté son soutien à des formations d’extrême droite, mouvements qu’il a au contraire condamnés dans un texte daté de 1937 intitulé «Trois réformes» dans lequel il fustigeait «révolution de droite ou de gauche», précisant qu’une «révolution fasciste ne change rien qu’en surface» au prix de «beaucoup de misère et de sang versé» et de «liberté perdue». Louis Renault a d’ailleurs reproché à son neveu par alliance François Lehideux, administrateur délégué de son entreprise, sa proximité avec des mouvements d’extrême droite, lien qui pouvait ternir l’image des Usines Renault. Quant à l’accusation fausse selon laquelle l’entreprise Renault aurait financé la Cagoule, elle a une origine connue. Elle provient d’un syndicaliste communiste dans le contexte d’un violent mouvement social en novembre 1938 et a valu à son auteur une condamnation pour diffamation en janvier 1939.

La seconde allégation selon laquelle Louis Renault aurait lui-même proposé la réquisition de ses usines à l’occupant allemand est également une erreur historique manifeste. Le 18 juin 1940, jour de la réquisition de ses usines par la Wehrmacht, Louis Renault se trouvait en Amérique du Nord sur mission du gouvernement français et participait à organiser l’aide militaire des États-Unis à la France, et notamment la fabrication de chars d’assaut, afin de continuer la guerre contre l’Allemagne. Louis Renault est rentré à Paris le 23 juillet 1940, soit plus d’un mois après la réquisition de ses usines dans laquelle il ne joua aucun rôle.