A l’origine de l’EPR, il y avait la belle idée de construire un puissant réacteur nucléaire européen dont les atomes crochus seraient la France et l’Allemagne, via leurs industriels Framatome et Siemens. Mais les Allemands quitteront en route ce projet avec la décision prise par leur pays en 1998 de sortir du nucléaire. EDF poursuit donc seul le projet avec Areva, nouveau groupe public né de la fusion de Cogema et de Framatome. C’est le début des belles promesses intenables et des problèmes en cascade. Retour sur un chantier hors normes qui a accumulé retards et dérapages jusqu’à multiplier par plus de trois la durée de construction et par cinq ses coûts financiers avant la délivrance: dans la nuit du lundi 2 septembre au mardi 3 septembre, EDF a enfin appuyé sur le bouton pour enclencher la première réaction de fission nucléaire du réacteur EPR de Flamanville à très faible puissance. Après un palier à 25 % et un raccordement au réseau « à la fin de l’automne », le fonctionnement à plein régime est attendu en fin d’année ou plus raisonnablement début 2025. Si tout va bien...
Infographie
2007
Le décret d’autorisation de création du réacteur EPR «Fla 3» sur la centrale de Flamanville, dans la Manche, est délivré par le gouvernement Villepin et publié au Journal officiel le 11 avril 2007. Le premier béton est coulé en décembre par Bouygues. L’électricien prévoit la fin du chantier en 2012, pour un coût de 3,3 milliards d’euros.
2008
Des fissures sont détectées dans la chape de béton de la dalle devant accueillir le bâtiment réacteur. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) met en demeure EDF de renforcer le béton. Le coût est revu à 4 milliards.
2010
Les problèmes de génie civil se multiplient. En octobre, l’électricien annonce un report de livraison de l’EPR à 2014, voire 2015, et réévalue le projet à 5 milliards.
2011
Drame sur le chantier : deux ouvriers de Bouygues sont victimes de chutes mortelles. La même année, un tsunami sur les côtes japonaises entraîne la catastrophe nucléaire de Fukushima. Entre les enquêtes de sécurité et les tests décidés par l’ASN, EDF repousse la mise en service à 2016.
2012
Les modifications de sûreté demandées par le gendarme du nucléaire après Fukushima rallongent la facture de l’EPR à 6 milliards.
2014
Le démarrage de l’EPR est reporté à 2017. Ce retard est attribué à Areva, qui n’est pas en mesure de livrer la cuve dans les délais. La facture s’envole à 8,5 milliards.
2015
En avril, l’ASN pointe des «anomalies de fabrication» sur le couvercle et le fond de la cuve et s’inquiète du manque de fiabilité de ce «composant crucial», qui pourrait empêcher la mise en service. Le coût est réévalué à 9 milliards.
2016
L’ASN annonce en septembre avoir découvert des «irrégularités» sur des dizaines de composants produits par l’usine Creusot Forge d’Areva NP (Saône-et-Loire).
2017
Le gendarme du nucléaire indique en juin que le couvercle de la cuve ne répond pas aux exigences de sûreté et qu’il devra être changé avant 2025.
2018
Le 10 octobre, l’ASN accuse EDF de ne pas faire respecter par ses sous-traitants les standards de «haute qualité» du nucléaire. Des défauts de soudure sont découverts sur les tuyauteries traversant l’enceinte de confinement en béton. La mise en service du réacteur ne pourra pas intervenir avant 2020.
2019
Sommé de refaire huit grosses soudures, EDF annonce en juin que le démarrage du réacteur «ne peut être envisagé avant fin 2022», avant de reconnaître en octobre que l’entrée en service n’interviendra pas avant 2023. Le coût s’envole à plus de 12 milliards. Bruno le Maire fustige des «dérives inacceptables».
2020
Stupeur en juillet quand la Cour des comptes livre sa propre évaluation du coût de l’EPR : 19,1 milliards d’euros. Un «échec opérationnel, des dérives de coûts et des délais considérables», cingle la juridiction financière.
2022
La date de chargement du combustible est décalée de fin 2022 à 2023, le temps de reprendre de nouvelles soudures. En décembre, l’électricien reporte à la mi-2024 la mise en service et réévalue son estimation à 13,2 milliards.
2024
7 mai: l’Autorité de sûreté nuclaire (ASN) délivre à EDF son autorisation de mise en service pour l’EPR de Flamanville. Le chargement du combustible est réalisé dans la foulée.
2 septembre: EDF annonce que ses équipes vont procéder dans la nuit à la première réaction en chaîne de l’EPR de Flamanville après l’autorisation de mise en marche du réacteur donnée le jour même par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN)