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Couac

Chèque énergie : pas d’envoi automatique pour un million de bénéficiaires

Un gros problème administratif n’a pas permis de mettre à jour la liste des bénéficiaires de cette aide. Les oubliés du dispositif devront le réclamer, sur un site dédié ou par courrier.
Environ 5,6 millions de foyers, soit 20 % des ménages français, devraient recevoir l'aide cette année. (Romain Doucelin/Hans Lucas.AFP)
publié le 4 avril 2024 à 20h59

Comme une lettre à la poste, le gouvernement a lancé, mardi 2 avril, la campagne désormais bien rodée sur les chèques énergie. Cette aide versée sous conditions de ressources aux foyers modestes permet de payer une partie des factures d’électricité de gaz, ou d’un autre type de chauffage (ainsi que certains travaux de rénovation). Petite nouveauté en 2024 : cette aide permettra de payer «les charges de chauffages» dans les HLM (et non plus uniquement la facture d’électricité ou de gaz). Environ 5,6 millions de foyers, soit 20 % des ménages français, recevront cette aide, selon un calendrier établi par région, tout au long du mois d’avril. Comme chaque année, la promesse est simple : les foyers concernés n’ont rien à faire, si ce n’est d’avoir rempli leur déclaration d’impôts. L’envoi du chèque est automatique. C’est là toute la force du dispositif.

«Carence de l’administration»

Pourtant cette année, une grande partie des bénéficiaires risque d’être laissée sur le bord de la route. Contrairement aux éditions précédentes, la liste des foyers concernés n’a pas été mise à jour pour la campagne 2024. La faute à la suppression de la taxe d’habitation fin 2022 qui permettait de fournir des informations sur le logement des ménages. En février, plusieurs associations (CLCV, Afoc, Familles rurales, Cnafal, UFC-Que choisir, Unaf…) sont montées au créneau pour dénoncer cette «carence de l’administration» qui risque d’exclure près d’un million de bénéficiaires du dispositif. Car selon Bercy, «tous les ans, il y a environ un million de ménages entrant et sortant du dispositif du chèque énergie». Résultat, cette année, les nouveaux bénéficiaires ne seront plus repérés automatiquement. Et ceux qui auraient dû sortir du dispositif continueront à recevoir leur chèque.

Une première version du projet de décret prévoyait de lister les bénéficiaires en tenant compte des revenus fiscaux de référence de 2021 et de la taxe d’habitation au 1er janvier 2022. Autrement dit, de reprendre la liste de la campagne du chèque énergie de 2023. «Ça a fait réagir les associations de consommateurs, mais aussi la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), sachant que la suppression du fichier lié à la taxe d’habitation est connue depuis longtemps», explique Violaine Lanneau, secrétaire générale des services de la FNCCR. Une fois l’affaire rendue publique, Bruno Le Maire a dû intervenir pour corriger le tir. Sur C à vous sur France 5, le locataire de Bercy a – chose rare – salué la prise de position des associations et reconnu le couac. «Effectivement, pour un certain nombre de raisons techniques, des personnes qui ont un niveau de revenu très faible – elles peuvent être étudiantes, ça peut être des personnes qui travaillent à temps partiel, ça peut être des petits retraités – […] ne vont pas toucher ce chèque», a-t-il reconnu le 5 février. Pour y remédier, le ministre avait promis «un système de réclamation». Et assuré : «Il n’y aura aucun perdant.»

«On peut légitimement s’inquiéter du taux de non-recours»

En parallèle, le million de personnes et quelques qui n’auraient plus dû bénéficier de cette aide vont bien la recevoir, sans qu’aucun remboursement ne leur soit demandé. Au Parisien, Bercy a estimé le «surcoût» à 100 millions d’euros. Après cet épisode, le gouvernement a revu sa copie. Une nouvelle version du projet de décret prévoit une voie de recours pour les ménages lésés, sur présentation de leur revenu fiscal de référence 2022 et de la composition du foyer au 1er janvier 2023. «Les ménages pourront faire leur demande sur un site dédié. Il ne sera pas ouvert avant la fin de l’envoi automatique des chèques énergie», donc pas avant le mois de mai, précise le ministère. On est loin de la solidarité à la source.

«On peut légitimement s’inquiéter du taux de non-recours», s’alarme Françoise Thiebault, secrétaire générale des Associations familiales laïques de Paris et membre du Conseil supérieur de l’énergie. Et de préciser : «Les chèques exceptionnels pour le fioul (mis en place fin 2022) par exemple devaient concerner 1,6 million de bénéficiaires. Seulement 314 000 personnes l’avaient demandé et 91 % effectivement utilisé.» «Quand le dispositif est à la demande, cela ne fonctionne jamais et ce sont les associations, les élus locaux et les travailleurs sociaux qui devront mouiller la chemise», abonde Violaine Lanneau. D’autant que la campagne actuelle d’information sur le chèque énergie reste pour l’instant silencieuse sur le sujet. «Le guichet de demande est en cours d’élaboration», répond Bercy. La nouvelle version du projet de décret, amendé par les associations (notamment sur la possibilité d’envoyer une réclamation sur papier), est encore en cours d’examen au Conseil d’Etat.