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Interview

Chute historique de la consommation de gaz en France : «Cela va bientôt profiter aux porte-monnaie des consommateurs»

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L’Hexagone n’a jamais consommé aussi peu de gaz depuis des décennies, d’après les données publiées par GRTgaz ce mardi 27 février. Cette tendance devrait se traduire par une baisse des tarifs, anticipe le délégué général de l’association de consommateur CLCV, François Carlier.
La consommation de gaz française a diminué de 20 % depuis 2021. (Magali Cohen/Hans Lucas.AFP)
publié le 28 février 2024 à 8h02

Du jamais-vu depuis plus de trente ans. En 2023, la consommation de gaz en France est tombée à 381 TWh, soit le plus bas niveau atteint depuis les années 90, selon le bilan annuel publié ce mardi 27 février par le gestionnaire du réseau de transport de gaz GRTgaz, détenue en majorité par Engie (ex-GDF). Ce chiffre correspond à une baisse historique de 20 % depuis 2021, bien loin du pic atteint en 2010 (547 TWh).

Pourtant le prix du gaz en 2023 (43 euros le MWh) est bien moins élevé qu’en 2022 (121 euros), une année marquée par une flambée inédite des tarifs après la guerre en Ukraine. Aujourd’hui, selon GRTgaz, les prix sont «stabilisés», et de «retour à leurs niveaux d’avant-guerre en Ukraine». La société avance plusieurs explications : l’exceptionnelle douceur de l’hiver 2023, l’inflation, la reprise de la production nucléaire hexagonale, et de «nouveaux comportements» plus économes des Français. Délégué général de l’association nationale de consommateur CLCV (Consommation, logement et cadre de vie), François Carlier pointe auprès de Libération l’efficacité du plan gouvernemental de sobriété énergétique, tout en restant prudent sur la pérennité de cette baisse.

Pourquoi la consommation de gaz baisse-t-elle en France ?

C’est d’abord un effet de la crise de l’énergie. L’augmentation des prix depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022 a entraîné un effet de réaction [et donc de baisse de la consommation, ndlr]. Cet effet est cependant plus marqué au niveau des entreprises et des professionnels que des particuliers.

Concernant le climat, si les hivers sont effectivement plus doux, les mesures à température constantes montrent quand même une baisse de la consommation. Donc cela montre l’efficacité du plan de sobriété énergétique mis en place à partir de l’automne 2022, avec l’incitation des pouvoirs publics à baisser la consommation énergétique, que ce soit des ménages ou des entreprises ou des collectivités. C’est le col roulé de Bruno Le Maire, etc.

Parfois, le gouvernement en fait des tonnes sur des choses qui n’ont pas beaucoup de sens, mais là, c’était bien senti. Cela a un succès certain, mais dont l’exécutif n’en parle pas trop. Il s’agit tout de même de la deuxième plus importante vague de sobriété énergétique, avec celle des années 70 qui a suivi le premier choc pétrolier.

Qu’elles sont les conséquences de cette baisse de la consommation de gaz ?

D’abord, la baisse entraîne mécaniquement une meilleure maîtrise des dépenses par les ménages, les entreprises et l’Etat. Ensuite, on observe une chute des prix sur les marchés de gros [sur lequel les entreprises et les Etats achètent l’électricité]. C’est-à-dire que la baisse de la consommation a détendu le marché de gros de l’énergie, qui a été divisé par 5,5 en deux ans.

Nous n’en voyons toujours pas les effets sur nos factures d’énergie celle de gaz devrait encore grimper de 7,30 euros par mois à partir du 1er juillet mais cela va bientôt profiter aux porte-monnaie des consommateurs.

On n’a pas vraiment l’impression que les prix baissent…

La baisse du prix du marché de gros ne se traduit pas toujours dans les prix du marché de détails, c’est-à-dire ce que payent réellement les consommateurs. De plus, la baisse de la consommation entraîne une augmentation du tarif pour la gestion du réseau de distribution du gaz, ce qui limite la baisse des tarifs. Mais si on prend l’ensemble des facteurs toute chose égale par ailleurs, les prix baissent déjà.

Cette baisse est-elle amenée à durer ?

Ça a l’air, et je l’espère. Il faut continuer à baisser notre consommation de gaz, parce que ce n’est pas une énergie d’avenir, que ce soit avec la Russie ou le Qatar comme exportateurs.

Je reste toujours prudent sur les prévisions dans le domaine de l’énergie. Cependant, ce que l’on observe, c’est un mouvement de fond, qui a commencé fin 2022, et qui continue, tant concernant le gaz que l’électricité [la consommation d’électricité en 2023 est en recul de 3,2 % par rapport à 2022, selon le gestionnaire du réseau d’électricité français RTE]. J’ai l’impression que l’on assiste à une dynamique structurelle.