380 millions d’euros contre l’exclusivité pendant vingt-cinq ans sur les loteries commercialisées dans les points de vente et en ligne et sur les paris sportifs proposés à la vente physique. C’est le deal du quart de siècle conclu fin 2019 par la Française des jeux (FDJ) avec l’Etat français.
Ce lundi 26 juillet, Bruxelles a annoncé le lancement d’une «enquête approfondie» afin de déterminer «si l’octroi de droits exclusifs à la Française des Jeux pour une durée de 25 ans est conforme aux règles de l’UE en matière d’aides d’Etat» aux entreprises. Suite à la réception de deux plaintes, «la Commission vérifiera la conformité de la rémunération aux conditions du marché», précise un communiqué.
En avril 2019, la loi Pacte avait autorisé la privatisation de l’opérateur principal de jeux d’argent et de hasard en France. Sur les 72 % du capital détenus par l’Etat, 50 % avaient été mis sur le marché à la faveur d’une opération de bourse qui avait rapporté un joli pactole aux finances publiques. L’Etat était alors devenu minoritaire au capital de la FDJ en cédant pour plus d’1,8 milliard d’euros d’actions pour ne garder que 20 % du capital. Dans le cadre de cette opération, il était prévu que la FDJ verse une «soulte» — ou compensation — de 380 millions d’euros à l’Etat français, en contrepartie du droit d’organiser et d’exploiter à titre exclusif des jeux de loterie et de paris sportifs, pour une durée de 25 ans maximum.
«Opération menée dans la plus grande rigueur juridique»
Cette somme a apparemment paru trop faible aux concurrents de la FDJ, au regard des potentiels revenus attendus sur ce marché très lucratif. En 2020, la Française des jeux a par exemple engrangé 214 millions d’euros de bénéfices net. «De gros opérateurs de jeux comme Bwin, Unibet ou Winamax ont probablement saisi la Commission européenne ou fait du lobbying pour se manifester», suppose Maitre Matthieu Escande, avocat spécialisé en droit des jeux et des paris au barreau de Paris. Car Bruxelles n’a pas dévoilé lequel ou lesquels de ces opérateurs sont à l’origine de la saisine. La Commission «n’exclut pas à ce stade que la mesure puisse procurer un avantage économique indu à la Française des Jeux», a-t-elle indiqué dans son communiqué. Mais elle précise que «l’ouverture d’une enquête approfondie (...) ne préjuge en rien de l’issue de l’enquête».
Pour Mathieu Escande, «si la Commission décide que la soulte versée par la FDJ à l’Etat français doit être réévaluée à la hausse, cela remettra en question l’évaluation boursière de l’opération de privatisation et donc le prix d’acquisition des actions FDJ». En clair, si la valorisation initiale des actions était inexacte, «les actionnaires se sont fait avoir sur le prix». En revanche, si les actions ont été valorisées au juste prix mais que la soulte a été sous-évaluée, «l’Etat et à travers lui le contribuable français ont été lésés», estime l’avocat.
A Bercy, on se dit «confiant sur la manière dont cette opération a été menée». «La commission a été informée de cette opération au préalable et elle a été menée dans la plus grande rigueur juridique», assure le ministère de l’Economie. Même son de cloche du côté de la FDJ, qui «prend acte de l’enquête», tout en se disant prête à «apporter tous les éléments nécessaires démontrant la conformité de ce cadre juridique avec les droits français et européen». L’enquête approfondie de la Commission européenne devrait durer plusieurs mois.
Edito