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Libération
Grandes manœuvres

Bouygues, Free et Orange déposent une offre conjointe à 17 milliards d’euros pour racheter SFR à la découpe

Si l’offre des trois concurrents du deuxième opérateur français, officialisée ce mardi 14 octobre, est acceptée par Altice France et Patrick Drahi, le marché serait bouleversé, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises.

SFR est le deuxième opérateur télécom français. (Benjamin Girette/Bloomberg via Getty Images)
ParDamien Dole
Journaliste - Economie
AFP
Publié le 14/10/2025 à 21h30

On savait depuis l’automne 2023 que SFR était en vente, mais c’est un véritable séisme que les télécoms s’apprêtent à vivre, aussi important que celui qu’avait engendré l’irruption de Free dans le secteur en 2012. Bouygues Telecom, Iliad (maison mère de l’opérateur Free) et Orange ont en effet déposé une offre non engageante de 17 milliards d’euros en vue de l’acquisition «de la plupart des actifs de l’opérateur SFR» qu’ils se partageront, ont-ils annoncé ce mardi 14 octobre dans un communiqué commun.

Et dans cette offre, c’est Bouygues qui s’offrirait la plus grosse part du gâteau, avec 43 % des actifs qui lui reviendraient, 30 % pour le groupe Iliad et 27 % pour Orange. Dans le détail, Bouygues Telecom «principalement» et Iliad reprendraient les opérations de SFR en lien avec les entreprises, alors que les activités directement en lien avec les clients particuliers ainsi que les infrastructures et les fréquences seraient partagées entre les trois opérateurs. Le réseau mobile de SFR en zone non dense serait géré exclusivement par Bouygues Telecom.

Dette de 15,5 milliards d’euros

Il s’agit de la première offre de rachat officielle de SFR depuis l’opération massive de restructuration financière du groupe Altice France, sa maison mère (et fondatrice du fonds de dotation pour une presse indépendante, dans lequel est logé Libération), qui a vu sa dette colossale passer de plus de 24 milliards à 15,5 milliards d’euros au 1er octobre, un plan approuvé par le tribunal des activités économiques de Paris début août mais contesté par les syndicats devant la justice, même si une audience en appel aura lieu à ce sujet le 4 novembre. «Le scénario qui nous attend, c’est le démantèlement de SFR», avait d’ailleurs prévenu Olivier Lelong, délégué syndical CFDT de SFR.

Mi-septembre, on apprenait par ailleurs auprès de la Lettre que les français Ardian et InfraVia, et des investisseurs internationaux comme les américains KKR, Blackstone et Global Infrastructure Partners (filiale de BlackRock) et le néerlandais Eurofiber s’intéressaient aussi aux activités de SFR, dont chacun aurait aimé avoir des actifs «à la découpe». STC (Arabie Saoudite) et Etisalat (Emirats arabes unis) ont également été cités. Des appétits qui inquiétaient Bercy, la Lettre expliquant que l’Etat pouvait imposer certaines conditions.

«Dans un marché mature, cette opération, tout en assurant la continuité de service pour les clients de SFR, permettrait à la fois de renforcer les investissements dans la résilience des réseaux très haut débit, dans la cybersécurité, mais aussi dans les nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle», ont déclaré les trois entreprises.

Une offre loin des espoirs de Patrick Drahi

«Les actifs qui ne pourraient pas être transférés immédiatement à chacun des trois opérateurs concernés seraient transférés à une société commune chargée de la gestion opérationnelle pendant une période de transition, permettant notamment la migration progressive des clients. Cette société s’appuiera sur les collaborateurs du groupe Altice», précise le communiqué. Certaines activités sont en revanche exclues de l’offre, notamment les participations dans les sociétés Intelcia (géant marocain des centres d’appels, dont SFR possède 65 % des parts), UltraEdge, XpFibre et Altice Technical Services, ainsi que les activités du groupe Altice dans les départements et territoires d’outre-mer, selon le communiqué.

Et la somme entre les activités désirées par Bouygues, Iliad et Orange «fait ressortir une valeur d’entreprise implicite indicative pour l’ensemble d’Altice France de plus de 21 milliards d’euros», estiment les trois opérateurs dans leur communiqué, qui disent s’appuyer sur des «informations publiques et des estimations des notes d’analystes».

L’opération reste soumise à un contrôle des autorités réglementaires et à la consultation préalable des instances représentatives du personnel. Et la remise d’une offre confirmatoire reste, également, conditionnée à une évaluation financière et opérationnelle et à l’acceptation de l’offre par le vendeur. Or les estimations – ou les espoirs de Patrick Drahi – oscillaient entre 20 et 30 milliards d’euros. Plus que les 17 milliards, mais un montant suffisant pour rembourser la dette d’Altice France ?