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Libération
Méfiance

Les arnaques financières se multiplient et touchent surtout les jeunes hommes, alertent les autorités

Faux conseillers bancaires, publicité mensongère sur les réseaux sociaux, offres un peu trop attractives pour des placements financiers ou des prêts bancaires… Les escrocs font preuve d’une redoutable créativité pour piéger leurs victimes.
Les alertes se concentrent de plus en plus sur les investissements dans les cryptomonnaies. (Annette Riedl/DPA.AFP)
publié le 19 décembre 2024 à 21h22

Le parquet, l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et la Direction générale de la Répression des fraudes (DGRF) étaient rassemblés ce jeudi après-midi pour alerter sur «ce phénomène massif qui piège de plus en plus de particuliers». Elles représentent un préjudice global d’au moins 500 millions d’euros par an, d’après une estimation du parquet de Paris. «C’est le chiffre minimal», a précisé Laure Beccuau, procureure de Paris, car «un [certain] nombre de faits n’est jamais porté à la connaissance des autorités judiciaires». Selon une étude BVA Xsight pour l’AMF réalisée en septembre 2024, l’indicateur permettant de mesurer le nombre de Français qui en ont «probablement» été victimes (ceux qui ont investi de l’argent et se retrouvent sans nouvelles de leur placement ni de leur prestataire) a presque triplé en trois ans, en passant de 1,2 % à 3,2 % des sondés.

Les alertes se concentrent de plus en plus sur les investissements dans les cryptomonnaies depuis septembre 2023, particulièrement appréciés chez les plus jeunes. Selon l’AMF, le profil type de la victime est un homme de moins de 35 ans qui «semble adhérer plus fréquemment que les autres aux messages incitant à investir de façon alternative aux placements traditionnels». Les escrocs jouent sur le sentiment «de s’y connaître», «le goût pour le risque», et «la trop grande confiance face à des offres attrayantes». Avec l’idée que pour réaliser de bons investissements, il faut se détourner des placements traditionnels, aux taux de rendement jugés trop bas. Fin novembre, l’AMF constatait une augmentation des signalements, dont 61 % portaient sur des acteurs non autorisés. Le préjudice moyen déclaré est énorme, d’environ 29 000 euros.

«La victime pense faire une bonne affaire»

L’ACPR alerte, de son côté, sur les arnaques aux faux livrets et faux crédits. «Un phénomène nouveau mais qui ne faiblit pas, avec une recrudescence cet été des signalements de faux crédits immobiliers et faux courtiers», observe Nathalie Aufauvre, secrétaire générale. Elle détaille : «La victime pense faire une bonne affaire avec moins de frais et un bon taux. Elle verse son apport qui se retrouve dans la poche de l’escroc.» En moyenne, les préjudices observés montent à entre 69 000 euros pour les faux livrets et 19 000 pour les faux crédits. Dans 63 % des cas, ces arnaques s’accompagnent d’usurpation d’identité de conseillers bancaires et même d’autorité de contrôle. L’AMF enregistre une hausse d’usurpation de son identité, très utile pour les «arnaques au carré», par exemple. Un escroc contacte une victime d’une première fraude et lui promet de l’aider à récupérer ses économies… en l’arnaquant à nouveau. «Il y a des profils plus vulnérables, mais tout le monde peut être victime», précise Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l’AMF.

Globalement, les autorités s’inquiètent de «fraudes toujours plus sophistiquées» pour faire face aux différents contrôles, comme le paiement sécurisé. «Certains faux conseillers envoient un coursier pour que les gens remettent leur carte et leur code», signale l’ACPR. Tout est bon aussi pour faire de la publicité. Les influenceurs sont un «point d’entrée en matière d’arnaque financière», selon Sarah Lacoche, directrice générale de la DGRF. En 2024, la Répression des fraudes a poursuivi dix influenceurs spécialisés en trading et cryptomonnaies, signalés dans un premier temps par l’AMF. Pour l’heure, huit mises en demeure ont été prononcées. Autre pratique : la fake news. Une fausse citation du présentateur Cyril Hanouna dans un tout aussi faux article du Monde par exemple. Ou une photo de la journaliste Elise Lucet qui aurait confié le secret de sa richesse. Dans les deux cas, la promotion d’Immediate Connect, un site d’arnaque.

Plus inquiétant peut-être, certains fraudeurs ont réussi à se payer des campagnes de publicité dans des médias traditionnels, comme Zebrance, un faux assureur, sans aucun agrément en France ou en Europe. Depuis le 1er janvier 2022, l’AMF et l’ACPR ont inscrit environ 5 000 acteurs ou offres non autorisés sur leur liste noire. Si des kits d’escroqueries prêts à l’emploi sont disponibles facilement sur le darknet, certaines affaires relèvent «de réseaux construits de criminalité organisée», observe la procureure de Paris. La juridiction nationale du parquet de Paris en charge de la lutte contre la criminalité organisée a pris en charge 12 % des poursuites pour ce type d’arnaque depuis 2020.