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Précarité énergétique : environ un tiers des Français a souffert du froid entre 2023 et 2024

Des millions de Français ont été touchés par la précarité énergétique entre 2023 et 2024, révèle le Médiateur de l’énergie dans son rapport publié ce lundi 4 novembre. Beaucoup ont été contraints de restreindre leur consommation.
Si le nombre d’interventions pour factures impayées est inconnu pour 2024, il a dépassé le million en 2023, selon le Médiateur de l’énergie et 265 000 coupures d’électricité et de gaz ont été recensées. (Alain Pellorce/Naturimages)
publié le 4 novembre 2024 à 17h55

Faire l’impasse sur les machines à laver et restreindre le chauffage. Ce fut le quotidien de 28 % de Français entre 2023 et 2024. C’est deux fois plus qu’en 2020. En cause : une difficulté accrue de régler les factures énergétiques, selon le rapport publié ce lundi 4 novembre par Médiateur de l’énergie. Pour son baromètre 2024, le Médiateur de l’énergie a interrogé 2 007 foyers sur leur consommation énergétique à partir du 1er novembre 2023, soit au début de l’hiver, jusqu’au mois de septembre 2024.

Pendant cette période, plus de 7 ménages sur 10 ont déclaré avoir réduit leur chauffage. Une proportion importante, qui toutefois diminue légèrement après cinq années consécutives de forte hausse. En 2023, 79 % des ménages avaient ainsi réduit leur consommation de chauffage pour éviter une facture trop salée, contre 33 % en 2019.

A quelques jours de la Journée nationale de lutte contre la précarité énergétique, le 12 novembre, le Médiateur de l’énergie rappelle que malgré la légère baisse des chiffres, «la précarité énergétique est toujours forte». Et ce, même si le sujet préoccupe relativement moins cette année, 85 % des Français interrogés se tracassent pour leurs factures contre 89 % les deux années précédentes.

265 000 coupures d’électricité ou de gaz en 2023

Pour l’heure, le nombre d’interventions pour impayés depuis la sortie de l’hiver 2023-2024 est inconnu. D’après le Médiateur de l’énergie, il ne sera communiqué qu’en avril 2025, «à la fin de la trêve hivernale». Mais à titre d’exemple, le nombre d’interventions pour impayés en 2023 a dépassé le million. Il y a eu 265 000 coupures d’électricité et de gaz, soit une baisse de 18 % par rapport à l’an passé. Quant à la réduction de la puissance d’électricité par les fournisseurs, elle a été davantage utilisée et a concerné 736 000 foyers, avec une hausse de 15 % sur un an. Ces réductions, à 1 kilovoltampère (kva), permettent tout juste de faire fonctionner un frigo ou bien de charger un téléphone, des besoins fondamentaux pour appeler les services sociaux ou le fournisseur d’électricité, a rappelé le Médiateur de l’énergie.

Ces chiffres sont «très inquiétants», constate la chargée de plaidoyer lutte contre la précarité énergétique à la Fondation Abbé-Pierre, Hélène Denise. Selon elle, «l’énergie devrait être reconnue comme un bien de première nécessité», comme l’eau.

Les interventions pour impayés doivent néanmoins respecter un calendrier précis. Ainsi, la trêve hivernale interdit la coupure d’électricité ou de gaz naturel. Elle s’étend du 1er novembre au 31 mars. En revanche, les fournisseurs peuvent réduire la puissance d’énergie. Seuls les foyers bénéficiant de chèques énergie en sont exemptés. D’avril à octobre inclus, les fournisseurs peuvent à nouveau effectuer des coupures pour défaut de paiement ou réaliser une baisse de puissance électrique, exclusivement pour les détenteurs des chèques énergie.

Les ballons d’eau chaude électriques dépassent généralement cette limite d’1 kilovoltampère et «les chauffages électriques encore plus», déplore Frédérique Feriaud, directrice générale des services du Médiateur national de l’énergie. Une puissance réduite veut aussi dire moins de machines à laver et donc une situation qui rend difficile «l’organisation de la vie autour du foyer» pour 88 % de ménages concernés et interrogés en 2023 par EDF.

«Ménages fragiles»

De très nombreux foyers se chauffent chaque année grâce aux chèques énergie et, par ailleurs, échappent aux coupures. Mais la Fondation Abbé-Pierre s’inquiète de l’arrêt de l’envoi automatique de cette aide en raison de la disparition de la taxe d’habitation, le 1er janvier 2023. En effet, jusque-là, tous les foyers soumis à cet impôt recevaient systématiquement un chèque. Depuis le printemps, les prétendants aux chèques énergies doivent se déclarer eux-mêmes sur une plateforme.

Pour Hélène Denise, «il y a un risque important que les individus n’aient pas recours à ce chèque énergie et les fournisseurs ne seront plus en mesure d’identifier les ménages fragiles» et donc de leur octroyer ces protections spéciales. De son côté, l’association de consommateurs CLCV craint elle aussi l’exclusion, «pour non-recours, d’un grand nombre de ménages très modestes du dispositif».