Remplacer la lessive par du savon, utiliser son gel douche comme shampooing, retarder le changement d’une couche… En matière d’hygiène, l’heure est à la débrouille. 47 % des Français déclarent réduire leur consommation d’articles de beauté et d’hygiène pour des raisons financières, selon le dernier baromètre «Hygiène et précarité» de l’association Dons Solidaires mené par l’institut de sondage Ifop. Ils étaient 34 % en 2023, selon ce même baromètre.
Malgré un ralentissement de l’inflation, la précarité hygiénique gagne du terrain dans les ménages. Contraints par leur porte-monnaie, les consommateurs se retrouvent à exercer des arbitrages entre les différents produits d’hygiène. Les premiers à passer à la trappe : les cosmétiques. Une femme sur trois renoncerait à acheter du maquillage et plus d’une sur quatre des colorations pour cheveux.
Un impact sur l’estime de soi
Plus grave, les produits essentiels ne sont pas épargnés : 12 % des Français se priveraient de déodorant, 8 % de savon ou de dentifrice et 7 % de papier toilette – soit entre 4 et 5 millions de citoyens. Pour la moitié des personnes ayant réduit leur consommation de produits d’hygiène, ces limitations auraient, aussi bien chez les femmes que chez les hommes, un impact direct sur leur confiance en eux, mais aussi sur l’estime de soi.
En 2021, 24 % des sondés disaient acheter leurs produits d’hygiène dans des enseignes de hard-discount. Ils sont aujourd’hui 32 %. Ces enseignes à bas coût grignotent la part des grandes surfaces (85 % contre 91 % en 2021) et celle des magasins spécialisés ou pharmacies (21 % contre 32 %).
Reportage
Car à la baisse du pouvoir d’achat s’est ajoutée la hausse du coût de ces articles. Dans la grande distribution, les prix des produits d’entretien et d’hygiène-beauté ont certes baissé de 2 % entre janvier 2024 et janvier 2025, mais ils demeurent 9 % plus cher qu’en 2021 d’après l’Insee. Au même titre que la précarité alimentaire ou énergétique, la précarité hygiénique s’aggrave au point que 17 % des Français majeurs – soit 8 millions de personnes – ont déjà dû choisir entre acheter de la nourriture ou des produits d’hygiène, rapporte l’étude. Ce chiffre monte à 35 % au sein des familles monoparentales.
Trois millions de femmes manquent de protections périodiques
«Derrière ce chiffre, ce sont des femmes sans protections périodiques, des enfants sans dentifrice et des bébés gardant des couches souillées, avec des conséquences sanitaires graves», dresse Dominique Besançon, directrice générale du réseau Dons Solidaires, qui a collecté et redistribué 10 millions de produits non alimentaires pour aider 1,3 million de personnes en difficulté en 2024. D’après les résultats du baromètre, 7 % des personnes interrogées se sont déjà procuré des produits d’hygiène grâce aux structures d’aides comme les associations ou les épiceries sociales solidaires.
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Pour faire face, de nouveaux comportements s’ancrent dans le quotidien. 22 % des sondés déclarent contrôler leur consommation de papier toilette (contre 13 % en 2023), 15 % indiquent espacer davantage leurs shampooings (contre 12 %) et 9 % se laver les dents sans dentifrice (contre 7 %). Autre difficulté soulevée par l’étude, la précarité menstruelle. Près de 3 millions de femmes manqueraient régulièrement de protections périodiques. Un chiffre qui a doublé par rapport à l’avant-Covid. Faute de mieux, 13 % des sondées avouent utiliser régulièrement une protection de fortune (tissu, papier toilette…), constatant que ces articles s’engagent sur la voie du produit de luxe.